Le rêve du renard

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mardi 3 novembre 2015

L'arbre d'Halloween - Ray Bradbury

arbre_alloween.jpgPour Halloween, Tom Skelton se déguise en squelette et parcourt la ville avec ses copains, en quête de friandises. Mais cette année, le jeune Joe Pipkin ne les accompagne pas. Où peut-il bien être? Un homme inquiétant finit par leur ouvrir sa porte et va les entraîner dans un bien curieux voyage, de l’Égypte ancienne en Irlande, en passant par Paris et le Mexique, à la découverte des mystères de cette fête des morts. Ainsi, peut-être Tom et ses amis retrouveront-ils leur copain Joe et perceront-ils les secrets de l’Arbre d’Halloween? (Résumé de l'éditeur)

Un petit roman de circonstance en cette fin de mois d'octobre ! Ray Bradbury s'attaque aux origines de la fête d'Halloween, à travers l'histoire de huit enfants. Déguisés qui en sorcière, en squelette ou en momie, ils se réjouissent d'aller frapper aux portes pour récolter des friandises, comme le veut la tradition. Regrettant un peu de ne pas ressentir le grand frisson, ils décident de partir à la découverte d'une maison hantée toute décatie. Et leurs espérances vont se retrouver satisfaites ! Montsuaire, vieux monsieur mystérieux, les interroge sur l'origine de leurs déguisements avant de les emmener pour un voyage à travers l'histoire et le temps....

La plume fantastique de Ray Bradbury nous fait renouer avec les rituels qui entourent la mort à travers les civilisations. Des pyramides d'Egypte en passant par les druides de l'époque celtique, sans oublier El día de los muertos au Mexique, les jeunes protagonistes vont découvrir la symbolique de leurs déguisements. Cette sorte de voyage initiatique prend des dimensions oniriques. On jongle d'une époque à une autre, entre chants et poésies, sans réelle logique. C'est toute la richesse de cette petite histoire, complètement détachée de la réalité, et qui transporte le lecteur dans un rythme endiablé. Exubérant comme ces enfants, le récit virevolte, se joue des codes et des sensations.

Partez donc, si vous l'osez, à la découverte du mystérieux et inquiétant arbre d'Halloween, pour découvrir l'origine des traditions sur la mort, la vie, et les saisons, dont on trouve des résurgences, encore aujourd'hui.

vendredi 30 octobre 2015

Le voyage de Simon Morley - Jack Finney

Voyage-de-Simon-Morley.jpgPour remonter dans le passé lointain, il n'est pas nécessaire d'utiliser une machine à voyager dans le temps. Il suffit de s'imprégner de l'époque dans laquelle on désire se rendre, de se dépouiller de toutes les pensées, comportements qui vous ancrent dans le présent, bref, de se conditionner mentalement et physiquement, pour être projeté dans le temps que l'on croyait perdu. Telle est la théorie du Pr. Danzinger. Informé de ce projet, qui a secrètement l'aval et le soutien logistique du gouvernement américain, Simon Morley doute, hésite... Mais la médiocrité de son existence, la curiosité, et le mystère qui entoure le suicide d'un aïeul de son amie Kate, finissent par le décider. Installé dans un appartement du «Dakota», un vieil immeuble new-yorkais demeuré intact, il va s'y comporter comme un homme de la fin du XIXe, et un soir de neige, après des jours d'efforts et d'attente, le miracle se produit... (Résumé de l'éditeur)

Après avoir terminé Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, j'ai eu envie de continuer à voyager dans le temps, par la seule force de l'esprit ! Le voyage de Simon Morley est paru à l'origine en 1970, a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1994, et a été réédité récemment par Denoël dans la collection Lunes d'encre (les précédentes éditions étant épuisées).

Le titre du roman, Le voyage de Simon Morley, ne comporte pas d'adjectif... Pas d'extraordinaire, ni de merveilleux... Ce qui résume en fait très bien la simplicité de la plume de l'auteur, bien que j'ai une foule de mots qui me viendraient en tête après cette lecture pour le qualifier, ce fameux voyage. Car si Simon Morley est un homme banal (mais sympathique, je vous rassure), l'expérience qu'il vit dans ce livre ne l'est absolument pas, et me laisse encore la tête pleine d'images étourdissantes, et même un peu rêveuse. Lorsque Simon est abordé pour participer à une aventure hors du commun, il ne se doute pas qu'il va laisser derrière lui bien plus que sa petite vie paisible et bien rangée...

« Projeté » à New York en 1882, une époque qu'il a lui-même choisie pour y effectuer une enquête, Simon est bouleversé par l'expérience. Découvrant New York et ses habitants, à une époque qui était pour lui quelques heures avant fantomatique, il relate pour nous, photographies et dessins à l'appui, sa déambulation. Et l'immersion est immédiate. On s'y croirait ! D'observateur, il va peu à peu devenir acteur, à cheval sur le fil de l'Histoire. Jusqu'à ce que l'intrigue se complique d'un complot, de cavalcades, d'incendie, de pots de vin, et d'une histoire d'amour !

Difficile de résumer ce livre dans une chronique, c'est une expérience à vivre en même temps que Simon. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la théorie qui lui permet de voyager dans le temps, avec sa préparation mentale pour s'immerger dans une époque doublée d'auto-hypnose, et parasitée par tous les scrupules de modification de l'Histoire qu'elle engendre. Mais tout ce que je retiens pour l'instant, c'est cette balade contemplative et nostalgique dans une époque révolue. L'auteur en profite pour broder sur les années 70 et ses fléaux, afin de créditer davantage son récit aux yeux du lecteur, et nous prouver que « c'était mieux avant »... (merci pour nous !)

Jack Finney ne nous propose pas ici d'explication scientifique à sa théorie de voyage dans le temps, même si la façon dont elle est exposée paraît vraiment limpide. Pas de machinerie compliquée non plus, et les préparations du héros pour préparer son voyage paraissent même vraiment simplistes, pour une entreprise de cette envergure. Et ces fonds alloués sans sourciller par les agences gouvernementales américaines pour une entreprise qui n'avait pas été prouvée avant l'arrivée de Simon... On pourrait tiquer de nombreuses fois, et surtout sur la question du paradoxe temporel, qui n'est pas poussée assez loin à mon avis... Et pourtant !

Il y a quelque chose des romans de Connie Willis pour cette immersion totale dans une période historique, et on ne peut pas oublier le roman de Richard Matheson pour cette ambiance surannée et pleine de nostalgie qui baigne l'histoire. Jack Finney nous propose ici une histoire vraiment fascinante, prenante, et intelligente. Beaucoup pourront la trouver trop descriptive, mais cela participe de l'immersion, si on choisit de s'abandonner, de se laisser porter dans cette atmosphère mélancolique. L'attachement de Simon à cette autre époque, cette autre ville, ces autres personnes,... qui prennent alors une place plus concrète dans sa vie, donnent un goût vraiment différent à ce roman.

Un récit sur le voyage dans le temps à découvrir absolument ! Documenté, immersif, il entraîne son lecteur dans une aventure qui prend son temps, mais qui tout au long de ses 538 pages, vous bercera d'une atmosphère où joie de vivre et mélancolie cohabitent avec bonheur.

lundi 26 octobre 2015

Mortimer - Terry Pratchett

mortimer.jpgMorty traverse les champs en courant ; il mouline des bras et s’égosille comme un beau diable. Non. Même ça, même effrayer les oiseaux pillards, il n’est pas fichu de s’en tirer proprement. Son père, au désespoir, l’observe depuis le muret de pierres.
« Il manque pas de cœur, fait-il à l’oncle Hamesh.
— Ah, dame, c’est le reste qu’il a pas. »
Et pourtant un destin hors du commun attend Mortimer. Car à la foire à l’embauche, LA MORT l’emporte sur son cheval Bigadin. Il faut dire que LA MORT a décidé de faire la vie ; et l’assistance d’un commis dans son labeur quotidien lui permettrait des loisirs. Mais... Est-ce bien raisonnable ?
Avec, comme toujours, un scénario qui décoiffe, une distribution prestigieuse et, peut-être, peut-être, une exceptionnelle apparition de l’illustre Rincevent. (Résumé de l'éditeur)

Je m'étais promis de continuer ma lecture des Annales du Disque-Monde avec un roman sur la Mort, et c'est donc chose faite, avec tout plein de MAJUSCULES à la clé ! Enfin, il n'est pas centré que sur ce personnage osseux en robe noire et voix caverneuse, mais surtout sur Mortimer (ou plutôt Morty). Ce jeune homme dégingandé se retrouve il ne sait pas trop comment, apprenti de la Mort, et lui vole donc un peu la vedette dans l'histoire. Car il faut dire que la Mort s'ennuie, et s'intéresse aux affaires humaines d'un peu trop près pour sa santé mentale. Il (la Mort est de genre masculin, je vous le rappelle) confie donc les âmes sur le point de mourir à Morty, pendant que lui-même s'adonne à l'étude des sentiments et autres loisirs typiquement humains : faire la fête, boire tous les alcools possibles et imaginables, faire la cuisine, aller à la pêche, et copiner avec des chats... Sauf que remplacer la Mort dans son boulot, quand on est bien vivant, et avec la conscience professionnelle que ça implique, ça ne donne pas forcément de bons résultats !

On peut dire que ce volume des Annales est vraiment un bon condensé de Terry Pratchett. Tout y est : des personnages hauts en couleur et sympathiques, des discussions philosophiques sur la vie, la mort et la place de chacun dans l'univers, des histoires d'amour contrariées, un singe bibliothécaire et des robes de mages à paillettes. La Mort est un personnage complexe, que l'auteur révèle avec beaucoup d'humour. Pas si impitoyable et sans coeur qu'on pourrait le croire... Il a même une fille ! Je me suis vraiment amusée pendant ses expérimentations humaines (ah, c'est donc ça s'amuser?), et avec les efforts désespérés de Morty pour réparer ses bêtises avec une réalité contrariée.

Un récit loufoque donc, ponctué de calembours tous plus inventifs les uns que les autres, mais non dénué de réflexions très sérieuses.

Les savants ont calculé que les chances d'exister d'un phénomène aussi manifestement absurde sont de une sur un million. Mais les magiciens, eux, ont calculé que les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.

mercredi 21 octobre 2015

La Musique du Silence - Patrick Rothfuss

musique_du_silence.jpgSi vous avez lu les précédents romans de Patrick Rothfuss, Le nom du vent et La peur du sage (partie 1 et partie 2), vous connaissez sûrement le personnage d'Auri. Cette dernière est un des personnages secondaires les plus marquants et intrigants de l'univers de l'auteur. On l'a pourtant peu croisée, ses rencontres avec Kvothe, le personnage principal, étant brèves. Mais son passé est un des grands mystères de l'univers de Rothfuss.

Le roman, ou plutôt la novella, est difficile à expliquer. L'histoire se déroule sur 7 jours, un délai au bout duquel on sait qu'Auri recevra la visite de Kvothe (dont on ne verra pas le bout du nez). Elle lui cherche un cadeau, et l'on suit donc son quotidien au fil de ces quelques journées dans les sous-sols de l'Université, ou Sous-monde. Et quand on parle de vie de tous les jours... Ce n'est pas une vie normale comme on l'entend que mène Auri. Sa façon d'appréhender le monde et les objets teinte les mots du récit, les imprégnant d'une atmosphère étrange, presque magique. Pour Auri, les objets ou les lieux ont une âme, une volonté. Ses actes ont une portée positive ou négatives sur eux, et son rôle, en tout cas celui dont elle se sent investie, et de trouver leur juste place. Les objets sont toutes sa vie, et leurs traits de caractère influencent son quotidien.

Dit comme cela, cela paraît juste étrange. Mais pour le lecteur, qui se met à sa place dans ce récit à la 3ème personne, cela semble presque naturel. Et pourtant, le malaise plane. Les réactions d'Auri sont imprévisibles, ses pensés chaotiques. Est-elle tout simplement folle? Et pourtant, une poésie, des émotions fortes accompagnent cette lecture, où il ne se passe pourtant pas grand chose. Je suis un peu déçue de ne pas être avancée davantage sur le passé d'Auri, malgré cette belle balade dans le labyrinthe des souterrains sombres de l'Université...

Patrick Rothfuss prend le temps de quelques pages à la fin de son histoire, pour nous en expliquer la genèse. Il est bien conscient que son originalité, et sa différence avec la prose qu'on lui connaît habituellement, ne plaira pas à tout les lecteurs. Et je comprend que ce texte singulier ait pu ne pas plaire aux lecteurs habituels des romans. Oui, ce texte est bizarre, mais il est aussi très beau. C'est un tour de force de la part de l'auteur d'avoir si bien su investir l'essence de son personnage. Et Patrick Rothfuss, égal à lui-même, continue de cultiver le mystère de son univers au passage... Un fléau récurrent avec cet homme-là !! ^_^

samedi 17 octobre 2015

Dans mon terrier #25

potion_magique_george-bouillon.jpgLa potion magique de Georges Bouillon - Roald Dahl
La plupart des grands-mères sont d'adorables vieilles dames, gentilles et serviables. Hélas, ce n'est pas le cas de la grand-mère de Georges ! Grincheuse, égoïste, elle ressemble à une sorcière et elle a des goûts bizarres : elle aime se régaler de limaces, de chenilles… Un jour, alors qu'elle vient une fois de plus de le terroriser, Georges décide de lui préparer une potion magique. Une potion aux effets surprenants ... et durables ! Ce très court roman, illustré de croquis hilarants de Quentin Blake, met en scène un jeune garçon qui a de la suite dans les idées, comme les aime Roald Dahl. Inventant une potion magique aux ingrédients improbables en un cocktail détonnant (et toxique?!) pour punir sa grand-mère, Georges, va également au devant des souhaits de ses parents... Une histoire anti-conformiste et très très drôle !

escadrille80.jpgEscadrille 80 - Roald Dahl
Après Moi, boy, voici le 2ème volet de l'autobiographie de Roald Dahl. Le chapitre de l'enfance est clôt, l'auteur nous entraîne cette fois avec lui en Afrique, pour son premier emploi pour une compagnie pétrolière. Il nous régale d'anecdotes sur la vie au temps de l'empire colonial, entre serpents et serviteurs noirs zélés, puis rapidement, la guerre éclate avec l'Allemagne et le jeune homme s'engage dans la RAF. Entraînement, premiers vols,... le récit du jeune pilote Dahl fait froid dans le dos tant il oscille entre avions bricolés et ordres d'une hiérarchie déconnectée de la réalité du terrain. C'est terrible de le voir parler avec humour de ces missions suicide où il a souvent frôlé la mort... Un témoignage passionant qui nous fait découvrir une autre facette de cet auteur si attachant.

mimsy_pocket.jpgMimsy Pocket et les enfants sans nom - Jean-Philippe Arrou-Vignod
Un hiver glacial s'est abattu sur le grand-duché de Sillyrie. Dans la capitale, les enfants des rues disparaissent, enlevés par des hommes-loups. Malgré son agilité de chat et ses talents de voleuse à la tire, la jeune Mimsy Pocket tombe dans un guet-apens. La voilà emmenée avec ses camarades à travers les forêts enneigées vers une destination inconnue. De son côté, son ami Magnus Million chemine en train jusqu'à un monastère haut perché où l'attendent de dangereuses missions. Mes des fantômes surgissent bientôt du passé... Je n'ai pas lu le 1er tome de cette série, mais ce second volet peut se lire indépendamment. Roman d'aventures palpitant, on suit nos deux jeunes héros à travers des plaines et des forêts glacées. Manipulations, secrets, fausses identités,... L'intrigue n'est pas révolutionnaire, mais on s'attache aux personnages, qui évoluent au fil de l'histoire.

264papattes.jpg264 papattes sur la banquise - Philip Reeve
Je suis toujours aussi fan de ce duo d'auteur et d'illustrateur ! Un peu plus épais que leurs deux romans précédents, il est toujours sur le même principe : une petite histoire loufoque, abondamment illustrée en bichromie (ici, du bleu). Les 264 papattes en question du titre, appartiennent à 66 chiots carlins, qui vont tirer le traineau de Shen et Sika, deux enfants qui cherchent à remporter la célèbre course du pôle Nord. Mais entre les trolls de neige, les yétis affamés et le kraken des glaces, le chemin est semé d'embûches... C'est frais, drôle, et vraiment pas banal. Un vrai régal à lire tant l'inventivité des auteurs est surprenante, tout en mettant en avant l'amitié et l'entraide avec beaucoup de tendresse. Une réussite qui doit aussi beaucoup aux illustrations, pleines de fantaisie. Un coup de coeur pour moi !

comment-gerer-lovestory.jpgComment (bien) gérer sa love story - Anne Percin
Voici la suite des aventures de Maxime, que j'avais adorées dans Comment (bien) rater ses vacances. Cette fois-ci, il a tous les atouts en main pour réussir son année de terminale : une vraie petite copine, Natacha, rencontrée durant l’été, un Smartphone offert par ses parents, une guitare Fender et un local de répétition dans la cave de sa grand-mère. Mais gérer sa love story quand on veut aussi devenir une rock star, c’est pas facile… Anne Percin enchaîne comme à son habitude maintenant les situations cocasses, où notre ado a bien du mal à garder la face. Les repliques qui tuent son légion, les personnages toujours aussi attachants, même si j'ai eu un peu de mal à me projetter dans l'histoire d'amour compliquée de Maxime... Me fais-je trop vieille? Allez, je lirai quand même le dernier tome pour le plaisir, et connaître le fin mot de cette fin en queue de poisson !

etonnante_histoire_adolphustips.jpgL'étonnante histoire d'Adolphus Tips - Michael Morpurgo
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le village de Slapton doit être évacué. Au moment du départ, la jeune Lily s'aperçoit que son chat Tips a disparu. Au péril de sa vie, elle part à sa recherche et franchit les barbelés qui entourent le village. Heureusement, Adolphus, un soldat américain, lui apporte son aide. Dès lors se noue entre eux une sincère amitié.Mais un jour, le jeune homme part au combat... Une très jolie plumede Michale Morpurgo comme toujours, avec cette histoire émouvante qui reprend les valeurs habituelles que véhiculent les romans de l'auteur. Vraiment accessible pour les plus jeunes, l'histoire est simple, se lit vite, tout en abordant avec sensibilité l'absence du père à la guerre, la vie des enfants évacués, et même de certains villages déplacés... Efficace et attachant comme toujours !

mardi 13 octobre 2015

Le Cercle de Farthing - Jo Walton

cercle_farthing.jpgHuit ans après que «la paix dans l'honneur» a été signée entre l'Angleterre et l'Allemagne, les membres du groupe de Farthing, à l'origine de l'éviction de Churchill et du traité qui a suivi, fin 1941, se réunissent au domaine Eversley pour le week-end. Bien qu'elle se soit mariée avec un Juif, ce qui lui vaut d'habitude d'être tenue à l'écart, Lucy Kahn, née Eversley, fait partie des invités. Les festivités sont vite interrompues par le meurtre de Sir James Thirkie, le principal artisan de la paix avec Adolf Hitler. Sur son cadavre a été laissée en évidence l'étoile jaune de David Kahn. Un meurtre a eu lieu à Farthing et un coupable tout désigné se trouvait sur les lieux du crime. Convaincue de l'innocence de son mari, Lucy trouvera dans le policier chargé de l'enquête, Peter Antony Carmichael, un allié. Mais pourront-ils ensemble infléchir la trajectoire d'un Empire britannique près de verser dans la folie et la haine ? (Résumé de l'éditeur)

Et si, pendant le Seconde Guerre Mondiale, l'Angleterre n'avait pas été le bastion de la résistance européenne? Et si les Etats-Unis, dans l'élan d'une politique isolationniste n'avaient pas soutenu les alliés, laissant Hitler régner sur l'Europe? C'est dans ce contexte politique que Jo Walton place l'intrigue de son roman, mi-policier mi-uchronie, à mille lieues de son précédent livre, Morwenna. Le Cercle de Farthing, point de départ de l'intrigue, est un groupe politique responsable de la paix signée avec l'Allemagne, et de l'éviction de Winston Churchill du pouvoir. C'est au beau milieu d'une partie de campagne avec certains des membres de ce Cercle, que le lecteur fait connaissance avec la difficile situation européenne. Et lorsqu'un crime est commis, les ennemis d'Hitler et du Cercle sont tour à tour pointés du doigt : les juifs et les bolchéviks...

Jo Walton adopte une narration avec un double point de vue pour nous ficeler une enquête aussi prenante que passionnante. Nous suivons donc Lucy, fille de Lord et Lady Eversley, et mariée à un juif (bien malgré sa mère), et l'inspecteur Carmichael, qui avec sa position de policier peine à percer le vernis de l'aristocratie anglaise pour mener à bien son enquête. C'est grâce à ce dernier, fermement décidé à résoudre cette enquête malgré les indices qui semblent le mener par le bout du nez, que le lecteur va essayer de résoudre l'enquête. Mais trahisons, manipulations et dissimulations sont au menu. La bonne société anglaise n'a que peu de temps à perdre avec les interrogatoires d'un inspecteur de Scotland Yard, surtout quand dans un milieu comme celui-là on se sert les coudes, voire on dissimule soigneusement la vérité...

L'auteur a su brosser très soigneusement un cadre so british comme je les aime, à la fois raffiné et cynique, tout en le liant à un univers parallèle très dense et surtout très crédible. Il évolue au fil de la narration, donnant matière à réfléchir au lecteur. La plume de l'auteur, très efficace, alterne les chapitres, nous accrochant au roman. Les personnages secondaires sont bien construits et complexes, mais j'ai adoré suivre les deux narrateurs, qui sont tous les deux extrêmement attachants. Immergés dans ce huis-clos, on suppute avec eux, entre déductions et faux-témoignages, sur l'identité de l'assassin...

J'avais adoré Morwenna, et dans un style très différent, j'ai aussi passé un excellent moment de lecture avec ce roman. Le dénouement, angoissant, laisse planer le doute sur les futures orientations politiques de l'Angleterre. J'ai donc hâte de lire les autres romans de cette trilogie, avec pour personnage principal, l'inspecteur Carmichael. On est pas loin du coup de coeur, je vous le dis !

vendredi 9 octobre 2015

Royaume de vent et de colères - Jean-Laurent Del Socorro

royaumz_vent_coleres.jpg1596. Deux ans avant l'édit de Nantes qui met fin aux guerres de Religion, Marseille la catholique s'oppose à Henri IV, l'ancien protestant. Une rébellion, une indépendance que ne peut tolérer le roi. À La Roue de Fortune se croisent des passés que l'on cherche à fuir et des avenirs incertains : un chevalier usé et reconverti, une vieille femme qui dirige la guilde des assassins, un couple de magiciens amoureux et en fuite, et la patronne, ancienne mercenaire qui s'essaie à un métier sans arme. Les pions sont en place. Le mistral se lève. La pièce peut commencer. (Résumé de l'éditeur)

Les nombreux commentaires élogieux et le Prix Elbakin 2015 du meilleur roman fantasy français, m'ont décidée que pour une fois, je pouvais lire un livre dont tout le monde parle. Et si en plus c'est un premier roman, publié aux éditions ActuSF, il n'y plus qu'à y aller sans réfléchir !

Direction Marseille, en pleines guerres de Religion. Le royaume de France est déchiré entre protestants, dont faisait partie Henri IV avant de se convertir, et catholiques. La cité phocéenne cristallise ces tensions, tenant tête au roi, qui décide d'avancer avec son armée mater cette rébellion. Je connaissais peu ce pan de l'histoire de France, et je suis donc ravie de combler cette lacune. La touche de fantasy apportée par l'auteur, met en valeur ce contexte en nous contant les histoires de ses personnages.

Dés les premières pages, nous sommes plongés dans la tumultueuse vie marseillaise. Tour à tour, nous rencontrons les personnages de cette histoire polyphonique, tous pris dans le tourbillon du destin. La première partie du roman nous les présente rapidement, avec leurs préoccupations les plus urgentes : échapper à l'armée du roi, tuer le consul marseillais, vivre avec la honte et ses souvenirs,... Puis rapidement, la seconde partie revient sur leur passé, nourrissant par leur histoire personnelle la trame de l'histoire, dont les fils se rejoignent. Et enfin, la troisième partie clôt l'intrigue, apothéose des tensions, de la colère ou de l'angoisse.

L'histoire se déroule sur quelques jours à peine (en ne comptant pas les flash-back bien sûr), ce qui donne un récit très dynamique et prenant. Je regrette la préface d’Ugo Bellagamba, vraiment dithyrambique pour le coup. Cela donne des attentes au lecteur, qui même si je ne suis pas déçue par cette histoire, me paraissent un peu exagérées. Le talent de l'auteur pour brosser en quelques pages de personnages forts et crédibles, en particulier les femmes, est assurément remarquable, mais je ne peux pas m'empêcher de regretter la brièveté du livre. Car il y a de très bonnes idées, entre réalité et imaginaire, sans en faire trop. On avait peut-être envie d'en lire plus au final, et de rester plus longtemps avec les personnages?

C'est très prometteur pour la suite de la carrière de cet auteur, résolument à suivre. J'ai été tenue en haleine pendant ces quelques heures de lecture, par une force tragique qui n'épargne pas les personnages, ni le lecteur. Le chapitre bonus à la fin, très émouvant, et sans doute celui que j'ai le plus apprécié, finissant ce livre sur une note d'espoir.

samedi 3 octobre 2015

Le jeune homme, la mort et le temps - Richard Matheson

jeune_homme_mort_temps.jpgÀ trente-six ans, Richard Collier se sait condamné à brève échéance. Pour tromper son désespoir, il voyage, au hasard, jusqu'à échouer dans un vieil hôtel au bord du Pacifique. Envoûté par cette demeure surannée, il tombe bientôt sous le charme d'un portrait ornant les murs de l'hôtel : celui d'Elise McKenna, une célèbre actrice ayant vécu à la fin du XIXème siècle. La bibliothèque, les archives de l'hôtel lui livrent des bribes de son histoire, et peu à peu la curiosité cède le pas à l'admiration, puis à l'amour. Un amour au-delà de toute logique, si puissant qu'il lui fera traverser le temps pour rejoindre sa bien-aimée.
Mais si l'on ne peut tromper le temps, peut-on tromper la mort ? (Résumé de l'éditeur)

J'ai été agréablement surprise par ce texte, intimiste et touchant, alors que tout ce que je connaissais de Richard Matheson, c'est sa lutte contre les vampires. Si au début, je trouvais que le roman accusait un peu son âge (il a été écrit en 1975, et obtenu le Wolrd Fantasy Award l'année suivante), j'ai rapidement été prise dans cette écriture simple, très descriptive, où l'auteur s'amuse à semer le doute dans notre esprit. Car le cœur de l'histoire repose sur le voyage dans le temps, par la seule force de la pensée de Richard Collier, le narrateur, qui décrit cette expérience dans son journal. Un voyage qui a lieu à cause d'Elise McKenna, une actrice décédée depuis plus de 20 ans. Comment ne pas être sceptique sur la genèse de cette histoire? Tomber amoureux d'une photographie, n'est-ce pas un peu gros?

Et bien, mes doutes se sont vite dissipés. Je suis tombée sous le charme de cette histoire où les émotions de Richard nous emportent. La sincérité, l'intensité de sa démarche est palpable. Elle est sublimée par la période historique choisie par l'auteur, le XIXème siècle, où les relations entre hommes et femmes sont très pudiques et régies par les convenances. Les dialogues entre Richard et Elise prennent donc leur temps, et sont même très nuancés grâce au caractère taciturne de la jeune femme. Un certain féminisme pointe même le bout de son nez, et c'est intelligemment fait.

Mais dés le début du roman, le frère de Richard nous signale qu'il publie ce journal à titre posthume sans y croire, et ses commentaires qui parsèment le texte enfoncent un peu plus le clou. La fin n'est pas là non plus pour nous donner une réponse claire. Richard a t-il vraiment voyagé dans le temps ou n'était-ce qu'un délire psychotique lié à sa tumeur au cerveau? L'auteur a semé le doute tout au long du roman, me donnant même des espoirs qui ont été bien déçus... (Ces 10 mois qu'Elise a passés après sa rencontre avec Richard, elle les a passés seule? Quel crève-cœur...)

Si quelques détails font tiquer, comme les centaines de pages écrites par Richard sur ces deux journées passées au XIXème siècle, Matheson nous livre une histoire de voyage dans le temps, détaillée et crédible. Je suis conquise, et ce roman restera pour moi une des plus belles histoires d'amour que j'aie lu, sous couvert du vernis respectable de mon édition Folio SF... ^_^

mardi 29 septembre 2015

La Cité Mirage - Marion Zimmer Bradley

cite-mirage.jpgTrès loin, sur l'horizon, dans les rougeurs du soir, les gens de Ténébreuse peuvent contempler, à travers les brumes diaphanes, les hauteurs colossales des Heller, qui font le tour de l'univers connu. Un jour, au cours d'une reconnaissance aérienne, une Terrienne y aperçoit une ville qui n'est pas marquée sur les cartes. Aussitôt après, elle se crashe et se retrouve, amnésique, à Thendara. Grâce à Magda Lorne et à Jaelle sa soeur d'armes, elle retrouve la mémoire et repart pour les Heller à la recherche de la cité perdue dans les neiges éternelles. Un impossible voyage en haut du monde où quelques Amazones bravent les éléments pour trouver la sagesse auprès des soeurs de la Noire Sororité. Plusieurs trouveront la mort au bout de la route ; d'autres, épuisées, choisiront de revenir à Thendara ; d'autres enfin auront la force de continuer leur quête... mais trouveront-elles jamais la Cité Mirage ? (Résumé de l'éditeur)

Dernier tome de la trilogie des Amazones libres, après la Chaîne brisée et la Maison des amazones. Se déroulant quelques années après le volume précédent, nous retrouvons nos personnages principaux Jaëlle et Magda. Chacune est devenue mère, et elles travaillent désormais avec Damon Ridenow à la Tour interdite. Elles semblent avoir trouvé un certain équilibre ; Jaëlle ayant renoué avec le caractère affirmé qu'on lui connaissait. En rupture avec le début de la trilogie, l'action s'invite dans l'histoire, avec une expédition périlleuse dans une chaîne de montagnes. L'occasion toujours d'aborder les émotions et l'évolution psychologique des personnages face aux épreuves traversées ensemble, mais surtout d'ajouter intrigue et suspense.

Marion Zimmer Bradley met donc momentanément de côté la défense de la condition féminine, même si elle n'est bien sûr jamais loin. Véritable quête, à la fois matérielle et humaine, l'histoire du roman renoue avec la fantasy classique. Rien de bien original donc au menu, les personnages devant aller au bout de leurs limites, et trouver en elles le but de leur vie. En soi, c'est potentiellement intéressant. Mais l'auteure a couplé cette quête spirituelle à un combat contre une sororité secrète et une sororité noire. L'intrigue prend donc des côtés ésotériques un peu tirés par les cheveux. Si on rajoutte à cela que je n'ai ressenti d'empathie particulière envers les personnages (qu'on a pourtant appris à bien connaître depuis 2 tomes !), le tout a été un peu laborieux à lire.

Marion Zimmer Bradley continue de nous distiller des informations sur l'évolution des relations entre terriens et ténébrans, fil conducteur vraiment intéressant. Dommage que je me sois ennuyée pendant cette lecture, plus épique et tragique sur le plan de l'intrigue, mais avec des détails trop agaçants pour les oublier... Allez, fin de mes lectures de Ténébreuse pour cette année, à l'été prochain !

mardi 15 septembre 2015

La Maison des Amazones - Marion Zimmer Bradley

maison-des-amazones.jpeg Magda Lorne, une Terrienne née sur Ténébreuse, est devenue agent de l'Empire. Au cours d'une mission, elle revêt l'uniforme des Amazones Libres. Découverte, elle doit, selon la coutume, prêter le serment des Amazones ; et, curieusement, elle s'estime liée par cette promesse arrachée par la contrainte. Elle part à la Maison de Thendara pour accomplir le stage rituel. Elle y rencontre Jaelle, l'enfant des Villes Sèches, libérée de ses chaînes par les Amazones et devenue Amazone à son tour. Jaelle aussi vient de changer de vie : épousant un Terrien, elle va vivre et travailler dans la Zone Terrienne. Les deux femmes ont un seul et même problème : devenir autres en un autre pays (Résumé de l'éditeur)

Second tome du cycle des Amazones libres, La Maison des Amazones nous fait renouer avec les personnages de Magda (alias Margali, son nom sur Ténébreuse) la terrienne, et Jaelle, l'Amazone libre. Dans la continuité de La chaîne brisée, Marion Zimmer Bradley met encore l'action de côté dans ce roman, pour plonger profondément dans la psychologie des deux personnages principaux. Car il est question ici de choc culturel, de tout ce qu'il remet en question dans la vie de Magda et Jaelle, entre sentiment d'appartenance à une communauté et aliénation. La condition féminine est toujours aussi présente, puisque Marion Zimmer Bradley pointe ici les différences de traitement de la femme dans les cultures terriennes et ténébranes, et aborde même de façon plutôt moderne l'homosexualité féminine.

Même si je ne m'identifie pas forcément à l'une ou à l'autre des protagonistes, je me suis néanmoins intéressée à leurs états d'âme et leurs doutes. Ils sont pour une fois abordés finement et sans trop de lourdeur. Si d'un côté Margali apprend de ses erreurs et s’intègre à la communauté des Amazones avec ses règles très arrêtées, Jaelle est plus passive. Le lecteur assiste, frustré, à sa vie à la terrienne très déshumanisée et à sa vie de couple catastrophique avec un Peter qu'on aimait déjà pas beaucoup... La Jaelle guerrière et libre que l'on connaissait s'embourbe dans les difficultés, et c'est grâce à la persévérance de Margali que les choses vont pouvoir évoluer. Au niveau de l'histoire, j'ai bien fait quand même de lire L'épée enchantée et La tour interdite avant, en suivant l'ordre chronologique de la série, et non de parution. Les personnages d'Andrew Carr, de Damon Ridenow, de Callista et d'Elemir peuvent arriver comme des cheveux sur la soupe pour les non-avertis...

Ce tome est vraiment divertissant, moins frustrant que d'autres sur le plan de l'histoire et des personnages. Un bémol toutefois sur la fin, trop rapide et embrouillée, et un épilogue pour le moins énigmatique... Une bonne lecture détente, avant d'entamer le dernier tome du cycle.

- page 2 de 31 -