Pour remonter dans le passé lointain, il n'est pas nécessaire d'utiliser une machine à voyager dans le temps. Il suffit de s'imprégner de l'époque dans laquelle on désire se rendre, de se dépouiller de toutes les pensées, comportements qui vous ancrent dans le présent, bref, de se conditionner mentalement et physiquement, pour être projeté dans le temps que l'on croyait perdu. Telle est la théorie du Pr. Danzinger. Informé de ce projet, qui a secrètement l'aval et le soutien logistique du gouvernement américain, Simon Morley doute, hésite... Mais la médiocrité de son existence, la curiosité, et le mystère qui entoure le suicide d'un aïeul de son amie Kate, finissent par le décider. Installé dans un appartement du «Dakota», un vieil immeuble new-yorkais demeuré intact, il va s'y comporter comme un homme de la fin du XIXe, et un soir de neige, après des jours d'efforts et d'attente, le miracle se produit... (Résumé de l'éditeur)
Après avoir terminé Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, j'ai eu envie de continuer à voyager dans le temps, par la seule force de l'esprit ! Le voyage de Simon Morley est paru à l'origine en 1970, a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1994, et a été réédité récemment par Denoël dans la collection Lunes d'encre (les précédentes éditions étant épuisées).
Le titre du roman, Le voyage de Simon Morley, ne comporte pas d'adjectif... Pas d'extraordinaire, ni de merveilleux... Ce qui résume en fait très bien la simplicité de la plume de l'auteur, bien que j'ai une foule de mots qui me viendraient en tête après cette lecture pour le qualifier, ce fameux voyage. Car si Simon Morley est un homme banal (mais sympathique, je vous rassure), l'expérience qu'il vit dans ce livre ne l'est absolument pas, et me laisse encore la tête pleine d'images étourdissantes, et même un peu rêveuse. Lorsque Simon est abordé pour participer à une aventure hors du commun, il ne se doute pas qu'il va laisser derrière lui bien plus que sa petite vie paisible et bien rangée...
« Projeté » à New York en 1882, une époque qu'il a lui-même choisie pour y effectuer une enquête, Simon est bouleversé par l'expérience. Découvrant New York et ses habitants, à une époque qui était pour lui quelques heures avant fantomatique, il relate pour nous, photographies et dessins à l'appui, sa déambulation. Et l'immersion est immédiate. On s'y croirait ! D'observateur, il va peu à peu devenir acteur, à cheval sur le fil de l'Histoire. Jusqu'à ce que l'intrigue se complique d'un complot, de cavalcades, d'incendie, de pots de vin, et d'une histoire d'amour !
Difficile de résumer ce livre dans une chronique, c'est une expérience à vivre en même temps que Simon. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la théorie qui lui permet de voyager dans le temps, avec sa préparation mentale pour s'immerger dans une époque doublée d'auto-hypnose, et parasitée par tous les scrupules de modification de l'Histoire qu'elle engendre. Mais tout ce que je retiens pour l'instant, c'est cette balade contemplative et nostalgique dans une époque révolue. L'auteur en profite pour broder sur les années 70 et ses fléaux, afin de créditer davantage son récit aux yeux du lecteur, et nous prouver que « c'était mieux avant »... (merci pour nous !)
Jack Finney ne nous propose pas ici d'explication scientifique à sa théorie de voyage dans le temps, même si la façon dont elle est exposée paraît vraiment limpide. Pas de machinerie compliquée non plus, et les préparations du héros pour préparer son voyage paraissent même vraiment simplistes, pour une entreprise de cette envergure. Et ces fonds alloués sans sourciller par les agences gouvernementales américaines pour une entreprise qui n'avait pas été prouvée avant l'arrivée de Simon... On pourrait tiquer de nombreuses fois, et surtout sur la question du paradoxe temporel, qui n'est pas poussée assez loin à mon avis... Et pourtant !
Il y a quelque chose des romans de Connie Willis pour cette immersion totale dans une période historique, et on ne peut pas oublier le roman de Richard Matheson pour cette ambiance surannée et pleine de nostalgie qui baigne l'histoire. Jack Finney nous propose ici une histoire vraiment fascinante, prenante, et intelligente. Beaucoup pourront la trouver trop descriptive, mais cela participe de l'immersion, si on choisit de s'abandonner, de se laisser porter dans cette atmosphère mélancolique. L'attachement de Simon à cette autre époque, cette autre ville, ces autres personnes,... qui prennent alors une place plus concrète dans sa vie, donnent un goût vraiment différent à ce roman.
Un récit sur le voyage dans le temps à découvrir absolument ! Documenté, immersif, il entraîne son lecteur dans une aventure qui prend son temps, mais qui tout au long de ses 538 pages, vous bercera d'une atmosphère où joie de vivre et mélancolie cohabitent avec bonheur.