signe_scorpion.jpgThisby, petite île battue par les vents et la mer, vit en autarcie toute l'année. Mais quand vient l'automne, apparaissent les capaill uisce, des chevaux de mer sanguinaires. Depuis des générations, les habitants de Thisby capturent ces chevaux et tentent de les dresser, au péril de leur vie. Car ils sont les plus rapides qui existent, et les hommes les font courir lors des fameuses courses du Scorpion. C'est ainsi que le premier jour de novembre les touristes envahissent alors chaque recoin de l'île pour assister à cet évènement. Sean, cavalier émérite a déjà participé de nombreuses fois, et comprend les chevaux de mer mieux que personne, et en particulier son magnifique capall feu, Corr. Puck a perdu ses parents à cause de ces chevaux, et pourtant, sur sa jument "normale", elle va participer pour la première fois à cette course meurtrière où plus d'un a déjà laissé sa vie. Tous deux doivent impérativement gagner cette année, pour des raisons différentes. Rivaux, leur amour des chevaux, de mer ou de terre, va les rapprocher.

Je ne pensais pas trouver dans la collection "Black moon" un livre de cette qualité. Mais son originalité et son univers m'ont tout de suite attirée. Il faut dire qu'un livre parlant des kelpies, ou comme ils sont appelés ici les capaill uisce, ne pouvait que me séduire sur l'idée. Ces chevaux aquatiques font partie du folklore celtique, et ont la réputation d'être extrêmement dangereux par leur habitude de séduire les humains pour les pousser à les chevaucher pour ensuite les noyer, voire les dévorer... Maggie Stiefvater reprend donc cette idée, l'adaptant avec brio, pour créer un cadre fantastique envoûtant.
Dés les premières lignes nous sommes immergés dans l'ambiance de cette île hors du temps et de sa petite communauté. Sauvage et fruste, la terre a façonné les habitants à son image. Il n'est pas rare que le climat étouffant ainsi que le manque de travail pousse les jeunes à partir sur le continent. Puck et Sean, pourtant n'envisagent même pas de partir. L'île les attire irrémédiablement, ainsi que les capaill...
A tour de rôle, ils prennent la parole dans de courts chapitres, nous faisant partager leurs sentiments et réactions. On s'attache irrémédiablement à eux, qui ont pourtant des caractères si différents. Sean, avare de mots, un pied sur terre, et l'autre dans la mer. Et Puck, ironique et débrouillarde.
La course en elle-même ne couvre que les toutes dernières pages du livre. Le reste (tout le livre en fait !), est une mosaïque subtile de sentiments, de mise en relation de personnages. Car il ne faut pas oublier tous les personnages secondaires qui font de ce récit une fresque humaine vraiment touchante : le jeune frère de Puck, Finn, et ses tocs incontrôlables ; les soeurs Maud et leur boutique encombrée ; et même le froid et riche M. Malvern qui possède la moitié de l'île...

L'ambiance très soignée, fait monter la tension petit à petit. Entre brimades, attaques brutales et parfois mortelles, la sauvagerie monte à mesure que le jour des courses arrive. Les descriptions qui nous sont faites des capaill sont loin de nous rassurer sur le sort des personnages : véritables cauchemars sur pattes poussés par la soif de sang, pouvant tuer un homme d'un coup de dents pour un moment d’inattention.
Mais sous la violence, une très jolie histoire d'amour va pourtant naître, pleine de pudeur et de gêne. Avec beaucoup de sensibilité, de non-dits et de demi-mots, Maggie Stievfater brosse un portrait vraiment émouvant d'un amour naissant, au milieu d'une sauvagerie qui n'est pas causée seulement par les animaux... fussent-ils fantastiques.