Le rêve du renard

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mercredi 17 juin 2015

La Voie des Oracles, 1 : Thya - Estelle Faye

thya.jpgLa Gaule, Ve siècle après Jésus-Christ. Cerné par les barbares, miné par les intrigues internes et les jeux du pouvoir, l’Empire romain, devenu chrétien depuis peu, décline lentement. Les vieilles croyances sont mises au rebut, les anciens dieux se terrent au fond des bois, des montagnes et des grottes, les devins sont pourchassés par la nouvelle Église. Thya, fille de l’illustre général romain Gnaeus Sertor, a toujours su qu’elle était une Oracle. Il lui faut vivre loin de Rome, presque cachée, en Aquitania, perdue au milieu des forêts. Que faire alors, quand son père, son protecteur, tombe sous les coups d’assassins à la solde de son propre fils ? Il faut fuir, courir derrière la seule chance qu’elle a de le sauver… Se fier à ses visions et aller vers Brog, dans les montagnes du nord, là où, autrefois, Gnaeus a vaincu les Vandales. Et peut-être, le long de ce chemin pavé d’embûches et d’incroyables rencontres, voir le passé refaire surface, et réécrire l’Histoire… (Résumé de l'éditeur)

D'Estelle Faye, je ne connais que le poétique Porcelaine, qui m'avait laissée un brin déstabilisée. Je fais donc plus ample connaissance avec sa plume, avec ce premier tome de trilogie orienté vers un public plus jeune. L'auteure choisit de nous entraîner dans la Gaule du Vème siècle après Jésus-Christ, sous la domination d'un Empire romain déclinant. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la période historique est plutôt dépaysante, et semble aride au premier abord. Mélangeant habilement réalité historique et touches de fantastique, l'auteure nous embarque dans une histoire à l'ambiance vraiment particulière. La décadence de la splendeur de Rome, l'antagonisme entre les anciennes religions païennes et le christianisme, qui se retrouve dans la quête de la jeune fille,... forment un décor crédible et dense. Il est doublé de sentiments forts, comme la fuite, la peur, le manque de confiance, l'incertitude... qui créent un voile lourd et oppressant qui domine à la lecture.

J'avoue que ce sont ces derniers points qui ont davantage contribué à mon plaisir de lecture. Croiser un dieu à double visage, des ondines et un faune y ont aussi été pour quelque chose. Mais en ce qui concerne les autres personnages, j'avoue ne pas avoir ressenti beaucoup d'empathie. Ils sont pourtant très travaillés ; le changement dans le caractère de Thya est même réussi. Je lui ai tout de même préféré le personnage moins conventionnel d'Enoch, jeune maquilleur à l'enfance difficile. Cela reste un roman initiatique plutôt classique en surface, ce qui m'a parfois lassée au cours de ma lecture. Le roman tient quand même la route au niveau de l'intrigue malgré quelques facilités.

Au final c'est un roman qui paraît plus complexe qu'il n'y parait au premier abord, à l'ambiance très soignée. Plein d'antagonisme, il oppose plusieurs mondes et se révèle très intéressant. L'aventure, les complots, plairont sûrement à des lecteurs jeunes, moins difficiles que moi ! Et encore une fois, je ne peux que souligner le superbe travail sur la couverture, réalisée par Aurélien Police, qui est de toute beauté !

mercredi 8 avril 2015

Le Pensionnat de Mlle Géraldine, 1 : Etiquette & espionnage - Gail Carriger

etiquette_espionnage.jpgAngleterre, début du XIXe siècle. Sophronia, 14 ans, est un défi permanent pour sa pauvre mère : elle préfère démonter les horloges et grimper aux arbres qu’apprendre les bonnes manières ! Mme Temminnick désespère que sa fille devienne jamais une parfaite lady, aussi inscrit-elle Sophronia au Pensionnat de Mlle Géraldine pour le perfectionnement des jeunes dames de qualité. Mais Sophronia comprend très vite que cette école n’est peut-être pas exactement ce que sa mère avait en tête. Certes, les jeunes filles y apprennent l’art de la danse, celui de se vêtir et l’étiquette ; mais elles apprennent aussi à donner la mort, l’art de la diversion, et l’espionnage – le tout de la manière la plus civilisée possible, bien sûr.
Cette première année au pensionnat s’annonce tout simplement passionnante. (Résumé de l'éditeur)

Avec ce premier tome de série pour adolescents (qui devrait en compter quatre au final), j’espérais gaiement renouer avec la plume rocambolesque et cocasse de Gail Carriger. Car je m'étais quand même suprêmement amusée avec Alexia Tarabotti, alias Lady Maccon, dans la série du Protectorat de l'Ombrelle. Se passant 25 ans plus tôt, et dans le même univers, Etiquette et espionnage, reprend les mêmes ingrédients féminins à froufrous avec une touche de steampunk.

Mais disons-le tout de suite, l'écriture de l'auteure est moins flamboyante et plus superficielle que celle à laquelle elle nous avait habituée. Avec un esprit ouvert que je ne me suis pas reconnu, j'ai cependant su me détacher de ma déception de départ pour profiter des aventures aériennes et protocolaires de la jeune Sophronia Temminnick. Oui, l'histoire semble survolée, les personnages secondaires trop peu développés, et par dessus le marché, le roman se termine abruptement... Mais je n'ai pas boudé le plaisir d'une lecture vraiment divertissante que j'ai dévoré le temps de le dire.

J’espère que l'univers et l'intrigue s'étofferont davantage dans la suite (parce que je la lirai bien évidemment), me permettant de retrouver un pensionnat pour jeunes filles de qualité (aux ressources insoupçonnées des parents des sus-dites jeunes filles) (volant au dessus de la lande anglaise par dessus le marché) (avec un professeur vampire et loup-garou dans le lot des professeurs mystérieux) davantage mis en avant. Tous les ingrédients sont là pour en faire une réelle réussite, gageons que les débuts prometteurs se concrétisent... (quel suspens)

jeudi 10 avril 2014

Le regard des princes à minuit - Erik L'Homme

Scripto_regard....inddÊtre un véritable chevalier, aujourd'hui, est-ce encore possible ?
À travers sept épreuves initiatiques, des jeunes se lancent dans l'aventure : une expédition nocturne dans la forêt de Brocéliande, l'escalade de la façade de Notre-Dame en cordée, l'intensité d'un combat à mains nues, la découverte d'une danse oubliée avec une cavalière sensuelle...
Autant de façons de vibrer, de prendre position dans la société, de dire NON. (Résumé de l'éditeur)

Je viens de terminer ce livre, et une chose est sûre, je vais encore avoir besoin de méditer dessus pour m'en imprégner totalement. Je ne m'attendais pas à ce texte percutant, à ces phrases mi-poétiques, mi-philosophiques, mi-sociologiques. Erik L'Homme m'a surprise, mais il ne m'a pas déçue. Et il va m'être très difficile de mettre des mots sur les sensations, les mots qui ont fait sens en moi au cours de cette lecture. On ne ressort pas indemne de cette expérience, car c'en est une ! J'ai été mise au pied du mur de mes idéaux, de mes espérances,... C'est troublant, et très personnel.

A travers des situations et des adolescents d'aujourd'hui, entrecoupées d'extraits d'un texte du Moyen-Age, Erik L'Homme nous parle de chevalerie, et de valeurs intemporelles. Honnêteté, respect, courage,... Autant de qualités remises en cause, ou qui se perdent dans la masse dans la société d'aujourd'hui. On ne comprend pas d'un premier abord le lien, entre les extraits d'un roman de chevalerie et ces tranches de vie d'adolescents, qui semblent complètement folles. Ces adolescents vont vivre des épreuves, dans le but de leur ouvrir les yeux, sur eux-même, et sur les autres. Ces adolescents ont tous un point en commun, ils sont en quête de repères, d'un guide, qui leur révèle le moteur qui les poussera vers l'avenir.

Dans ces nouvelles, je pense qu'Erik L'Homme a essayé de mettre des mots sur un malaise. Un malaise, ou une envie de rébellion contre l'ordre établi et le cours des choses. Mettre en regard ces différentes visions avec ce texte ancien, Les sept Bacheliers ou l'épreuve périlleuse, peut paraître curieux. Mais en fait, le parallèle, quête des futurs chevaliers et passage de l'adolescence à l'âge adulte, est intéressant. C'est fou de voir comme des textes si anciens sont encore tellement actuels, toujours autant percutants de justesse et d'humanité aujourd'hui.

Je vais arrêter là d'essayer de décortiquer ce texte, tant les mots d'Erik L'Homme parlent pour eux. Le parti pris masculin des héros m'a un poil troublée, mais c'est un détail. Je partage quand même quelques extraits pour finir, passage obligé après tant de phrases énigmatiques ! Sans le cadre qui rend le tout cohérent, ce n'est pas forcément pertinent, mais cela vous donnera peut-être envie de lire ces 144 pages qui font réfléchir...

Mais les musées sont les cimetières du passé ! Ils nous invitent à faire le deuil de notre histoire et nous recrachent ensuite sur les trottoirs crasseux de notre siècle.

Un jour, Arthur demanda à Merlin quelle était la plus grande vertu dans la chevalerie. Était-ce le courage, la compassion, la loyauté, l'humilité? Merlin répondit que ces vertus se mêlaient comme les métaux dont le mélange fait une bonne épée. Mais Arthur ne voulait pas de poésie, il était avide d'une réponse claire. Alors Merlin lui chuchota: «Je vais te dire quelle est la plus grande vertu. C'est la vérité, oui, il faut la vérité avant toute chose. Quand un homme ment, c'est une part de notre monde qu'il assassine».

Le livre est un extraordinaire moyen, le dernier peut-être, de faire de chacun de nous des personnes uniques. Je dis uniques, hein, pas exceptionnelles, il ne faut pas tout confondre. Oui, Hervé, un lecteur est unique, il n'est pas interchangeable comme le sont les téléspectateurs. D'un côté tu as une personne, de l'autre des individus. La personne, c'est l'individu sorti du troupeau, qui pense et agit par lui-même.

vendredi 21 mars 2014

Everness : l'odyssée des mondes - Ian McDonald

HS_EvernessCouv4.inddEt si vous n'étiez pas unique ? S'il existait d'autres vous dans d'autres mondes ?
Londres, de nos jours. Everett assiste au kidnapping de son père, par de mystérieux hommes en noir. Pourquoi a-t-on enlevé ce scientifique renommé ? Et pourquoi la police doute-t-elle de son récit ? Quand l'adolescent reçoit un fichier qui révèle l'existence de mondes parallèles, il part à la recherche de son père et atterrit dans un autre Londres, silloné de zeppelins, comme l'Everness. Le curieux équipage de ce dirigeable - une jeune pilote intrépide, une capitaine courageuse et un second citant la Bible - va l'aider dans sa quête dangereuse... (Résumé de l'éditeur)

Je connais la prose de Ian McDonald avec Roi du matin, reine du jour, ancienne lecture commune du Cercle d'Atuan, que j'ai abandonné dans un coin, à moitié lu. Je n'avais pas accroché à ce moment là, et comme je ne pouvais pas rester là-dessus, d'autant plus que je vois beaucoup parler de cet auteur sur la blogosphère en ce moment, je me suis attaquée à ce livre jeunesse.

La vie du jeune Everett bascule lorsque, après le kidnapping de son père, il apprend l'existence de mondes parallèles. Des milliards d'autres mondes, des milliards de possibilités... Des milliards d'Everett? Mais un seul scientifique de génie comme son père. C'est ainsi que le jeune homme passe dans un autre Londres, à sa recherche. Entre son monde moderne et technologique, et le nouveau, cosmopolite et steampunk (et sans plastique), il y a un gouffre. L'univers crée par Ian McDonald est passionnant, et on le découvre avec de grands yeux en même temps qu'Everett. On sent presque les odeurs d'épices, de métal et de fumée, on entend le vrombissement d'air des dirigeables et les mots d'argot de la population cosmopolite.

L'intrigue, bien construite, utilise quelques raccourcis jeunesse bien (trop?) pratiques pour faire avancer l'histoire. Quelques passages parlant de physique quantique et de mathématiques pourront paraître compliqués, mais ils sont courts et bien intégrés au récit pour rester compréhensibles. Tout est fait avec logique, même si on attend beaucoup la conclusion des recherches d'Everett. Les personnages atypiques et attachants nous font défiler les pages rapidement, et on les quitte presque à regret, une fois la dernière page tournée (qui présage une suite?). Un très bon roman, avec une ambiance soignée et un bon équilibre entre description et action. Petit bémol pour la couverture, un poil sombre pour un public jeunesse je trouve.

dimanche 9 mars 2014

Le premier qui pleure a perdu - Sherman Alexie

premier-qui-pleure-a-perdu.gifVoici les péripéties poignantes et drôles de Junior, un jeune Indien Spokane, né dans une Réserve. Rien ne lui sera épargné – il a été le bébé qui a survécu par miracle, l’enfant dont on se moque et il est désormais l’adolescent qui subit en soupirant coups de poings et coups du sort. Jusqu’au jour où cet éternel optimiste réalise qu’un déplorable avenir l’attend s’il ne quitte pas la Réserve. Admis à Reardan, une école prestigieuse surtout fréquentée par les Blancs, Junior, se sent devenir un Indien à temps partiel… (Résumé de l'éditeur - 2ème édition)

Attention, coup de coeur ! Au delà du simple journal d'adolescent, ce que Sherman Alexie nous offre dans ce livre (presque autobiographique), c'est la voix de toute une communauté, meurtrie, blessée, à la fierté disparue dans les vapeurs d'alcool. Complètement conditionné par sa vie à la Réserve, Arnold alias Junior, essaie pourtant de s'en sortir. D'avoir un autre avenir que ses ancêtres parqués comme des moutons, que ses parents pauvres et déprimés, que ses congénères alcoolisés du matin au soir... Je ne savais rien de la vie des indiens dans les Réserves américaines, j'ai été stupéfiée, et un peu choquée par la dure réalité qui nous est décrite.

Malgré ce tableau plutôt sombre, et malgré l'exclusion dont il fait déjà l'objet dans la Réserve, Arnold choisi la voie difficile en allant faire ses études dans un lycée de blancs. D'un paria parmi les siens, il devient en plus un paria parmi les blancs, par sa simple "indianité". Mais avec son intelligence et son extrême lucidité sur la vie, Arnold est d'un éternel optimisme. Même quand le pire arrive, son ironie, sa foi en l'avenir, l'aide à surmonter les épreuves. Et pourtant, il lui en arrive de belles... On a mal pour lui, on souffre avec lui, puis on rit avec lui, voyant toujours le bon côté des choses. On s'attache sans conditions à ce jeune garçon courageux, qu'on peut trouver tour à tour masochiste ou naïf tant il s'accroche aux buts qu'il s'est fixé. Le livre est parsemé de petits dessins qu'Arnold griffonne pour se défouler, amenant une touche d'humour supplémentaire.

L'écriture de Sherman Alexie, simple et légère est pourtant parsemée de petites phrases choc, empreintes de sagesse, qui nous interpellent et nous font réfléchir au détour d'une page. Sans jamais tomber dans le pathos, l'auteur nous livre ici un récit très fort, un véritable plaidoyer contre le racisme et les ségrégations. A lire et à relire pour se redonner le sourire et foi dans l'humanité.

Les homosexuels étaient considérés comme magiques, eux aussi. C'est à dire que tout comme dans de nombreuses cultures, les hommes étaient considérés comme des guerriers et les femmes comme celles qui prodiguaient les soins. Mais les homosexuels, étant à la fois mâles et femelles, étaient vus à la fois comme des guerriers et des soigneurs. Les homos savaient tout faire. De vrais couteaux suisses ! (...) Bien sûr, depuis que les Blancs sont arrivés en apportant leur chrétienté et leurs peurs de ce qui est excentrique, les Indiens ont peu à peu perdu toute leur tolérance.

lundi 6 janvier 2014

La passe-miroir, 1 : Les fiancés de l'hiver - Christelle Dabos

passe-miroir.jpgJ'ai été charmée dés les premières pages par l'ambiance qu'a su tisser l'auteure pour m'emporter dans son univers. Cela surtout grâce à Ophélie, l'héroïne, une jeune fille myope à laquelle on s'attache très vite, ainsi qu'à son écharpe familière très particulière. Avec elle, nous faisons la connaissance d'Anima, l'une des nombreuses arches flottantes qui parcourent le monde. Issues de la Déchirure, elles abritent chacune une ou des familles ayant des dons très particuliers. Celui d'Ophélie, c'est d'être une liseuse, et par simple toucher de connaître le passé des objets. C'est sûrement ce talent très particulier qui lui vaut d'être choisie pour être la femme d'un homme d'une autre arche... Les contacts sont limités, et les alliances rares, et c'est une épreuve pour l'effacée et très maladroite Ophélie de quitter tout ce qu'elle toujours connu. Il faut dire que le nouveau monde qu'elle va découvrir est étrange, complexe et violent. Une description qui colle d'ailleurs aussi à son mystérieux fiancé, le taciturne Thorn, qui aspire autant à ce mariage qu'Ophélie (qui avait auparavant échappé à deux mariages avec des cousins...). Brutal et renfermé, il l'entraîne précipitamment à la Citacielle, capitale du Pôle, où elle doit dissimuler sa véritable identité. Car les complots, assassinats et autres dissimulations sont monnaie courante, et il ne fait pas bon être la future épouse d'un membre du clan des Dragons détesté de tous...

La principale qualité de ce roman, c'est la grande richesse de son univers. On ressent plusieurs influences, Philip Pullman ou Hayao Miyazaki, mais l'auteure a su créer un monde original qui lui est propre. A travers une écriture soignée, nous allons de rebondissements en surprises. Ophélie évolue dans une société où l'illusion est partout, cachant sous un vernis brillant une réelle noirceur. Il n'est donc pas surprenant qu'elle s'attire des ennuis tous plus gros les uns que les autres. Elle saura s'en sortir avec plus ou moins de réussite grâce à son don de passe-miroir, et gagnera en maturité au fil des pages, jusqu'à perdre sa naïveté plutôt brutalement. Il faut dire que l'on ne sait jamais à qui se fier, les personnages, bons ou mauvais, étant très changeants. C'est très agréable d'en savoir autant que l'héroïne sur ce qui se trame autour d'elle, à savoir pas grand chose.

L'écriture fluide de l'auteure est vraiment très agréable à lire, et on sent que l'auteure prend son temps pour décrire patiemment toutes les facettes de son univers, dont j’espère, elle n'a posé que les bases ! (gourmande en descriptions, moi? jamais !). Elle parsème également le tout d'une bonne part de mystères qui laissent présager une suite très intéressante. Les personnages que l'on croise au fil des pages sont vraiment surprenants et singuliers, et c'est très rafraîchissant. Ajoutons à ça une romance, ou une non-romance (cela reste encore à déterminer...) et cela nous donne vraiment un bon pavé de lecture, assez dense et prenant.

Deux petits bémols pour finir, mais qui ne m'ont nullement empêchée de finir ma lecture en un temps record. On sent dans l'écriture que c'est un premier roman : un style qui se cherche encore un peu, quelques longueurs, et peut-être des personnages qui manquent encore un peu de profondeur pour que leurs émotions nous emportent littéralement (ce qui m'a empêchée d'aller jusqu'au coup de cœur d'ailleurs avec cette lecture...). Mais je ne doute pas que Christelle Dabos saura avec le temps effacer ces hésitations et nous offrir des livres à la trame merveilleuse comme le laisse présager ce premier tome ! Car au final, j'ai vraiment adoré ce roman fantastique, aux ambiances très évocatrices. La magie des mots de l'auteur a souvent su me transporter au point de m'imaginer précisément les décors parcourus par Ophélie. C'est donc avec regret que j'ai tourné la dernière page, avec une fin plutôt abrupte qui nous laisse comme deux ronds de flan quant à la suite des événements !

dimanche 8 décembre 2013

Soldat Peaceful - Michael Morpurgo

soldat_peaceful.jpgIl s'appelle Tommo. Il n'a que dix-sept ans mais il a déjà vécu bien des choses, des joyeuses et des plus tristes. Il a passé une jeunesse heureuse avec sa mère et ses frères à la campagne, même si la vie n'était pas toujours facile. Mais tout a changé lorsqu'il est parti pour la guerre avec son grand frère Charlie. Cette nuit, Tommo ne veut surtout pas dormir, il veut penser à lui, à eux, à leur vie passée. Parce que demain, au petit matin, son existence va basculer pour toujours. Il veut profiter pleinement de ces dernières heures pour se souvenir, pour ne jamais oublier que rien n'est plus beau que l'amour et la fidélité, que rien n'est plus terrible que l'injustice et la guerre... (Résumé de l'éditeur)

La très belle couverture de ce livre annonce déjà le ton de ce journal intime. Une couverture usée, une ficelle nouée sur un bleuet et une plume... C'est toute la simplicité et l'émotion qui nous saisit des les premières pages qui caractérise si bien le style de Michael Morpurgo. Une bouffée de bonheur, un souffle de nostalgie, accompagne l'ouverture de ces pages. Une famille unie et heureuse, trois frères et une jeune fille, puis la guerre, qui a brisé bien des familles et envoyé de jeunes garçons au front, obligés de grandir plus vite face à l'horreur.

Le récit commence comme un compte à rebours. Un égrènement du temps raconté par Tommo, entre souvenirs d'enfance et quotidien dans les tranchées. La mort de son père, Big Joe son frère si différent et sa chanson préférée "Oranges et citrons", son premier amour, et sa relation avec son frère Charlie, son guide et protecteur... Mais l'insouciance s'efface vite, car au fur et à mesure que le temps passe, on sent venir l'inéluctable. La vie en France est difficile, avec la boue et les rats omniprésents, les gradés qui mènent la vie dure, les ordres stupides qu'il faut suivre sous peine de passer devant la cour martiale...

Michael Morpurgo est vraiment un auteur admirable, faisant des recherches sur des sujets difficiles de l'histoire de la Première Guerre Mondiale. Il nous les retransmet avec honnêteté et humanité. Il sait créer des histoires d'une réalité simple et touchante, dans les détails du quotidien, dans l'intimité des êtres humains. Il transmet de vraies valeurs : l'amitié, l'amour, la tolérance, la solidarité. Mais jamais sans en faire trop, même dans les scènes les plus poignantes, et il y en a beaucoup.

J'avais déjà été touchée au coeur par Cheval de guerre, et le récit de Joey, cheval choyé par son maître envoyé dans l'enfer de la guerre, où sont morts, dans des conditions aussi difficiles que les humains, des milliers de chevaux... Et ce roman, histoire d'amour unissant profondément deux frères, restera aussi gravé dans ma mémoire.

dimanche 27 octobre 2013

Nox, 2 : Ailleurs - Yves Grevet

nox2.jpgUn héros condamné aux travaux forcés dans la forêt pourrissante, dont nul n'a jamais pu s'échapper. Une jeune fille enceinte qui attend le retour du garçon qu'elle aime et se voit proposer un effroyable marché. Deux amis devenus ennemis, à qui il a manqué le temps de s'expliquer. Une adolescente de la ville haute qui devient agent double contre son gré. Des personnages qui se croisent sans toujours se reconnaître et, tout au bout du chemin, l'espoir d'une vie meilleure... (Résumé de l'éditeur)

Arrivé à ce deuxième et dernier tome, il est difficile de parler de l'intrigue sans trop en dévoiler. On continue à suivre les aventures des trois principaux personnages du tome précédent : Lucen, Gerges et Ludmilla, ainsi qu'une quatrième voix, celle de Firmie, la fiancée de Lucen. Les destins de nos héros continuent de s'entrecroiser étroitement. Entre trahison, entraide et actes manqués... on tremble, on souffre. Yves Grevet fait habilement monter la tension, soignant particulièrement son univers dur et cruel. Le récit est parfois si difficile, que je devais faire une pause dans ma lecture. Car en plus des actes qui défilent sous nos yeux : glaçants, inhumains,... c'est le ton utilisé par les personnages. Car un des talents de l'auteur, c'est une concision dans les phrases, un choix de mots simples, concis, percutants. Une réalité dite sans fioriture.

Nous nous plaçons dans la queue. Nous sommes une quarantaine. Personne ne discute. Certains réajustent les protections de leurs camarades. La porte s'ouvre et les premiers disparaissent dans l'immense cylindre de béton. Au moment de franchir le seuil, on doit montrer son tatouage aux gardes. Le soldat arrache mon pansement sans ménagement. (...) Après quelques mètres, nous débouchons sur une espace circulaire d'un diamètre de cinquante mètres environ pour une hauteur de vingt. Il est encombré par de grands tas de matières végétales en décomposition . Chacun armé d'une fourche, nous entamons ces monticules pour remplir notre brouette. Nous la conduisons ensuite vers le centre du silo et la vidons dans un trou de plusieurs mètres de large. Les gars ne vont pas vite. Ils savent qu'ils devront tenir dix heures sans rien boire ni manger. Ici, les dangers sont nombreux : glisser dans la fosse s'avérerait fatal, se blesser avec un outil dans ce milieu où pullulent les microbes et les virus déclencherait une infection.

Les ingrédients de cette dystopie sont classiques, mais fonctionnent avec beaucoup d'efficacité. Il est difficile de ne pas se sentir proche des thèmes abordés : cloisonnement des populations, pollution, violence,... On s'attache aux protagonistes, qui s'ils ne sont pas les héros et les héroïnes que l'on a l'habitude de croiser dans les dystopies, renversant l'ordre établi et les tyrannies, s'illustrent pas leur courage et leur persévérance. Les événements peuvent les dépasser, les situations devenir inextricables, ils restent très humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, dans un réalisme que recherche toujours Yves Grevet.

L'épilogue offre une belle conclusion a ce diptyque. C'est certes résolument optimiste, mais après toutes les épreuves que l'on a traversé, il ne faut pas perdre de vue l'espoir. Les questions trouvent presque toutes leurs réponses, mais l'auteur laisse encore une part d'ombre à explorer et un dénouement sur l'avenir de la Nox à imaginer... Comme pour Méto, je suis bluffée et ne ressort pas indemne de ma lecture.

samedi 12 octobre 2013

Le journal malgré lui de Henry K.Larsen - Susin Nielsen

journal-malgre-henry-k-larsen.jpgUn drame terrible a frappé Henry et sa famille. Continuer à subir les remarques, les regards, de leurs voisins dans une petite ville où tout le monde se connaît, oblige la famille à vendre leur maison. Alors que l'adolescent et son père déménagent dans un ridicule appartement une pièce + placard à Vancouver, sa mère, victime d'une grave dépression est internée en psychiatrie. Se reconstruire promet d'être difficile, surtout quand on a comme Henry du mal à se faire des amis, qu'on est petit, roux et un peu enveloppé. Et fan de catch. Bien qu'il soit fermement opposé à suivre ne serait-ce qu'un conseil de son thérapeute, lorsque celui-ci lui offre un cahier où coucher ses pensés, Henry finit par le faire, un peu malgré lui.

J'avais bien rigolé avec Dear George Clooney, tu veux pas épouser ma mère?. J'avais été charmée par Ambrose, roi du Scrabble. J'ai été bouleversée par Le journal malgré lui de Henry K.Larsen. Parce qu'en plus d'être une auteur de romans aux noms improbables, Susin Nielsen écrit des romans de plus en plus géniaux au fil des années. Car même si ses deux derniers romans étaient intelligents, drôles et touchants, ici c'est une émotion presque palpable qu'elle arrive à faire passer par le biais de ses personnages. Mais avec sa plume pince sans rire et loufoque, elle arrive toujours à nous faire rire, même en plein drame, par une réflexion bien placée.

Vous l'aurez compris Henry a vécu en drame. On l'apprends seulement vers la page 60, puis les détails suivent au fil des pages, comme l'adolescent cède petit à petit au chagrin, au poids des souvenirs et à la culpabilité. Et quelle révélation lorsque l'on sait, après les circonvolutions d'Henry pour aborder enfin le sujet ! Suite à ÇA, sa famille a volé en éclats, et Henry comme ses parents doivent apprendre à se reconstruire. Avec plus ou moins de succès. A travers le journal d'Henry, on suit son quotidien dans sa nouvelle vie, faite de voisins envahissants pleins de bonnes intentions ou pas, d'un psy has been à queue de cheval, de gros durs du collège sans merci pour les adolescents un peu à part, d'une bande de nerds se réunissant dans une salle de classe pour jouer à une sorte de Question pour un Champion.

Grâce à Susin Nielsen on fait la connaissance de personnes normales, cabossées par la vie ou par l'irruption d'un malheur atroce. Des personnes que l'on pourrait côtoyer tous les jours. C'est vous dire la justesse de ton qu'elle utilise, la finesse des sentiments qu'elle décrit. Et toujours en filigrane, l'humour, et l'espoir. Je suis vraiment séduite par la plume de cette auteure, qui a vraiment su m'émouvoir avec l'histoire d'Henry, l'histoire d'un adolescent qui ré-apprend à aimer la vie. Je ne peux que vous encourager à la découvrir, je suis sûre que vous ne pourrez pas rester insensibles...

Quelque chose me dit que Cecil n'est pas la crème de la crème des psychologues. Déjà, il est gratuit. (...) Son bureau est minuscule et encombré, avec des meubles bas de gamme, abîmés et tâchés. Et puis, on dirait qu'il n'a pas pu se payer de vêtements neufs depuis 1969. Nous n'avons pas encore parlé de ÇA. Il essaie de m'y amener l'air de rien. Il me pose parfois des questions orientées. Mais quand il le fait, je prends ma voix de robot pour lui répondre. «Je-ne-sais-pas. De-quoi-vous-parlez. Espèce-d'humanoïde.» Alors, il bat en retraite.

vendredi 20 septembre 2013

Nox, 1 : Ici-bas - Yves Grevet

nox1.jpgUne ville basse enveloppée d'un brouillard opaque - la nox -, plongée dans l'obscurité. Des hommes contraints de marcher ou de pédaler sans cesse pour produire de la lumière. Une société codifiée, régentée par une milice toute puissante. Des amis d'enfance qui s'engagent dans des camps adverses. Un héros qui se bat pour épouser celle qu'il aime. Une jeune fille qui vie dans la lumière, prête à tout pour retrouver la femme qui l'a élevée. (Résumé de l’éditeur)

J'avais adoré la plume d'Yves Grevet dans la trilogie Méto, c'est donc avec beaucoup de plaisir que je me suis lancée dans le premier tome du diptyque Nox. On reconnaît tout de suite sa plume caractéristique, qui nous entraîne dans un univers dystopique très sombre. On découvre un monde où l’industrie a généré un nuage de pollution épais et toxique, qui plonge les habitants les plus pauvres dans le noir et la maladie. Les riches, eux, vivent au-dessus du nuage, et ont une qualité de vie de loin très supérieure. Davantage qu’un mur, ce nuage crée une barrière sociale pratiquement insurmontable, ente ceux qui luttent pour survivre, et ceux qui vivent pour un idéal politique.

Le contexte, s’il est plutôt classique, s’épaissit grâce à une narration maîtrisée. Le récit alterne entre trois voix, chapitre après chapitre : Lucen et Gerges, adolescents de la ville basse, et Ludmilla, vivant dans la ville haute. Il est un peu difficile de se repérer à chaque changement de chapitre, mais on s’y fait vite, car ils ont des chemins et des idées qui leur sont propres. Cela permet souvent d’avoir tous les points de vue d’une même situation, ce qui enrichit considérablement notre compréhension du fonctionnement de la ville. Nous sommes complètement immergés dans ce monde, son quotidien, donnant une réelle crédibilité au texte.

Si l’action n’est pas toujours au rendez vous, des détails, des anecdotes, nous donnent envie de continuer à découvrir cet univers. Les descriptions en particulier sont très minutieuses et font appel à nos sens, comme si on y était. On est pris dans le filet des émotions des personnages, souvent extrêmes. La vie dans la ville basse, entre quotidien miséreux et une milice ultra-présente, est particulièrement marquante. Entre règles, choix et trahisons, les destins de nos trois personnages finissent par s’entremêler de façon étroite, nous laissant incertains sur les évènements à venir. Certains passages sont très durs, et la fin du livre nous laisse présager une suite plus violente encore.

Ce premier tome est une vraie réussite, car maintenant que l’univers est planté, je pense qu’Yves Grevet nous prépare de belles surprises.

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