premier-qui-pleure-a-perdu.gifVoici les péripéties poignantes et drôles de Junior, un jeune Indien Spokane, né dans une Réserve. Rien ne lui sera épargné – il a été le bébé qui a survécu par miracle, l’enfant dont on se moque et il est désormais l’adolescent qui subit en soupirant coups de poings et coups du sort. Jusqu’au jour où cet éternel optimiste réalise qu’un déplorable avenir l’attend s’il ne quitte pas la Réserve. Admis à Reardan, une école prestigieuse surtout fréquentée par les Blancs, Junior, se sent devenir un Indien à temps partiel… (Résumé de l'éditeur - 2ème édition)

Attention, coup de coeur ! Au delà du simple journal d'adolescent, ce que Sherman Alexie nous offre dans ce livre (presque autobiographique), c'est la voix de toute une communauté, meurtrie, blessée, à la fierté disparue dans les vapeurs d'alcool. Complètement conditionné par sa vie à la Réserve, Arnold alias Junior, essaie pourtant de s'en sortir. D'avoir un autre avenir que ses ancêtres parqués comme des moutons, que ses parents pauvres et déprimés, que ses congénères alcoolisés du matin au soir... Je ne savais rien de la vie des indiens dans les Réserves américaines, j'ai été stupéfiée, et un peu choquée par la dure réalité qui nous est décrite.

Malgré ce tableau plutôt sombre, et malgré l'exclusion dont il fait déjà l'objet dans la Réserve, Arnold choisi la voie difficile en allant faire ses études dans un lycée de blancs. D'un paria parmi les siens, il devient en plus un paria parmi les blancs, par sa simple "indianité". Mais avec son intelligence et son extrême lucidité sur la vie, Arnold est d'un éternel optimisme. Même quand le pire arrive, son ironie, sa foi en l'avenir, l'aide à surmonter les épreuves. Et pourtant, il lui en arrive de belles... On a mal pour lui, on souffre avec lui, puis on rit avec lui, voyant toujours le bon côté des choses. On s'attache sans conditions à ce jeune garçon courageux, qu'on peut trouver tour à tour masochiste ou naïf tant il s'accroche aux buts qu'il s'est fixé. Le livre est parsemé de petits dessins qu'Arnold griffonne pour se défouler, amenant une touche d'humour supplémentaire.

L'écriture de Sherman Alexie, simple et légère est pourtant parsemée de petites phrases choc, empreintes de sagesse, qui nous interpellent et nous font réfléchir au détour d'une page. Sans jamais tomber dans le pathos, l'auteur nous livre ici un récit très fort, un véritable plaidoyer contre le racisme et les ségrégations. A lire et à relire pour se redonner le sourire et foi dans l'humanité.

Les homosexuels étaient considérés comme magiques, eux aussi. C'est à dire que tout comme dans de nombreuses cultures, les hommes étaient considérés comme des guerriers et les femmes comme celles qui prodiguaient les soins. Mais les homosexuels, étant à la fois mâles et femelles, étaient vus à la fois comme des guerriers et des soigneurs. Les homos savaient tout faire. De vrais couteaux suisses ! (...) Bien sûr, depuis que les Blancs sont arrivés en apportant leur chrétienté et leurs peurs de ce qui est excentrique, les Indiens ont peu à peu perdu toute leur tolérance.