Sous le ciel - Guy Gavriel Kay
Par Yume le samedi 23 mars 2013, 18:00 - Fantasy - Lien permanent
Pendant deux ans, au cœur des montagnes entourant le lac Kuala Nor, loin à l’ouest de la cité impériale, et même au-delà des frontières de l’empire de la Kitai, le jeune Shen Tai, seul au fond d’une cabane isolée, a écouté, dans l’air dur et froid des nuits de lune et des nuits noires, les voix des fantômes des soldats morts pendant la violente bataille qui s’est déroulée à cet endroit. Afin d’honorer la mémoire de son père, le général Shen Gao, qui était à la tête des soldats de l’empire, c’est en ces lieux maudits qu’il s’est voué corps et âme à la pénible tâche d’enterrer les os de tous les combattants.
Alors que Tai prépare son retour vers la cité impériale et la cour, tout aussi dangereuse que magnifique, de Taizu, l’Empereur de la Kitai, un émissaire de l’empire Tagur, la nation rivale, lui apporte une nouvelle surprenante : Chen-Wan, l’une des épouses de Sangrama le Lion, empereur du Tagur, lui a offert, pour le remercier de sa tâche, un présent. Or, celui-ci est d’une telle ampleur qu’il peut changer le visage même de l’empire de la Kitai… ou mener Tai à une mort certaine. (Résumé de l'éditeur)
Depuis longtemps, je suis une grande fan de Guy Gavriel Kay. Mes premiers achats en fantasy ont été pour la Tapisserie de Fionavar, et j’ai enchaîné logiquement avec Tigane, Les lions d’Al-Rassan, La mosaïque de Sarance, … Que j’ai tous adorés (et sur lesquels j'ai même versé des larmes, ce qui ne m'arrive pas sur beaucoup de livres). Aussi quand j’ai vu que son nouveau livre était sorti au Canada en VF, et qu’il n’y avait pas de date de sortie prévue en France chez un quelconque éditeur (ce que je trouve très étrange d’ailleurs), je me suis décidée à le commander directement au pays des caribous. Après un mois de traversée de l’Atlantique, un peu abîmé mais entier, mon précieux est arrivé !
Comme pour d’autres titres de Kay, c’est Elisabeth Vonarburg qui s’est chargée de la traduction française. Mes précédentes lectures de Kay remontent à trop loin pour que je me souvienne de ces détails, mais j’ai été vraiment marquée ici par le style de Vonarburg dans sa traduction (maintenant que je connais ses bouquins à elle !) : très empathique, à grand renfort de virgules. Ça fait vraiment bizarre, d’avoir l’impression de lire un auteur avec le style d’un autre ! (une autre raison de regretter de ne pas lire en VO).
Mais une fois passé ce flottement stylistique dans ma tête, j’ai vraiment adoré me retrouver dans cet univers tissé par Kay. Il a vraiment un talent incomparable pour faire revivre des civilisations passées. On retrouve donc ici à travers la Kitai la flamboyance de la Chine ancienne, et plus précisément la dynastie des Tang du VII-VIIIème siècle. On découvre ce pays petit à petit, à la manière d'un voyage : descriptions des villes, organisation politique et hiérarchie des mandarins, sans oublier la poésie et la musique, ainsi que l’art de la guerre et la philosophie. Rien ne manque et c'est un réel dépaysement tout en délicatesse et poésie.
Mais ce qui fait toute la force de ce livre, c'est la complexité des personnages. Ils sont d'une force incroyable, et Kay a passé un temps fou à soigner leur psychologie. On ne suit pas le personnage principal constamment, puisqu'au fil de l'histoire, d'autres personnages auront une place importante à prendre, un choix à faire, une parole à prononcer, ... qui feront basculer le cours des évènements. Car si c'est le destin de Tai qui est en jeu, au delà c'est l'empire qui est bouleversé, l'ordre établi depuis des centaines d'années qui est remis en question. Entre complots politiques, alliances heureuses et malheureuses, personnages principaux et plus secondaires se succèdent comme narrateurs, nous donnant à voir les choses sous plusieurs angles. Cela complexifie beaucoup le jeu entre les personnages, et c'est vraiment très bien fait, tout en finesse.
Petit avertissement pour ceux qui seraient réfractaires à la fantasy historique. Car ce livre, comme dans un certain nombres des autres titres de l’auteur, est particulièrement axé sur l’histoire, les éléments de fantasy étant discrets et liés aux croyances de la civilisation chinoise : une femme-renard et quelques rituels chamaniques, et c’est à peu près tout. Kay s’attache également énormément à un rythme assez lent, l’intrigue ne s’accélérant réellement que dans le dernier tiers du livre. Mais cette lenteur, on peut la voir comme parfaitement calculée, dans le sens où elle est en adéquation avec le développement de l’univers. La Kitai que nous dépeint Kay, est très similaire à la Chine que l’on connaît historiquement : à savoir très protocolaire, dans la ritualisation de chaque évènement du quotidien, dans la hiérarchisation à outrance de l’administration et de la politique. Il n’est donc pas anormal de voir l’intrigue ralentie pour ces raisons, même si on peut se retrouver très frustré que cela n’avance pas plus vite !
J’ai vraiment aimé ma lecture en tout cas, c’est un très bon Kay, après ma petite déception pour le Dernier rayon du soleil. Une ambiance vraiment magique, fantastique, se dégage des descriptions, qui me marqueront sûrement pendant un moment. Il me manque pourtant un petit quelque chose, une intensité dramatique pour faire de cette lecture quelque chose d'inoubliable. Il y avait certes une humanité presque palpable qui se dégageait des personnages, une vraie intelligence dans les dialogues (on peut presque être largués parfois !), et des scènes très intenses. Mais... j'ai un petit goût d'inachevé qui me reste, c'est dommage.