Miss Charity - Marie-Aude Murail
Par Yume le mardi 22 juillet 2014, 11:05 - Jeunesse - Lien permanent
Charity est une fille.
Une petite fille.
Elle est comme tous les enfants : débordante de curiosité, assoiffée de contacts humains, de paroles et d'échanges, impatiente de créer et de participer à la vie du monde.
Mais voilà, une petite fille de la bonne société anglaise des années 1880, ça doit se taire et ne pas trop se montrer, sauf à l'église, à la rigueur.
Les adultes qui l'entourent ne font pas attention à elle, ses petites sœurs sont mortes. Alors Charity se réfugie au troisième étage de sa maison en compagnie de Tabitha, sa bonne.
Pour ne pas devenir folle d'ennui, ou folle tout court, elle élève des souris dans la nursery, dresse un lapin, étudie des champignons au microscope, apprend Shakespeare par cœur et dessine inlassablement des corbeaux par temps de neige, avec l'espoir qu'un jour quelque chose va lui arriver... (Résumé de l'éditeur)
Dés les premières lignes, je me suis attachée à Charity Tiddler. Enfant grave et solitaire, elle n'a pour seule compagnie que sa bonne Tabitha, un peu folle, et les petits animaux qu'elle recueille au fil des années (parfois sauvés de la casserole). Presque recluse au troisième étage de la demeure familiale, elle voit peu ses parents, et encore moins des enfants de son âge. L'étude de ses petits animaux et la récitation de pièces de Shakespeare sont ses seuls passe-temps. Heureusement, devant apprendre le français et autres choses indispensables pour une jeune fille bien élevée, l'arrivée d'une gouvernante, Blanche Legros, va lui ouvrir de nouveaux horizons. Douée pour le dessin et l'aquarelle, elle va se passionner encore plus pour l'observation et les sciences naturelles.
De chapitre en chapitre, Charity grandit, toujours aussi solitaire. Elle devient une jeune fille forcément singulière, davantage passionnée par les champignons, que par ses frivoles cousines. Elevée dans une bourgeoisie oisive, où gagner sa vie est une honte, à quoi occuper son temps lorsque l'on est presque laissé à soi-même? Charity ne se laisse pourtant pas aller à la paresse ou au découragement, et trouve une occupation, si ce n'est vraiment le bonheur, en imaginant de petites histoires mettant en scène ses amis à plumes et à poils. Master Peter, l'adorable lapin est en bonne place, suivi de Mademoiselle Tutu la souris, ou encore Petruchio le corbeau. Ainsi naissent de petits livres pour enfants...
Ce roman très dense, a la particularité de mélanger les codes du roman et du théâtre. Ce n'est pas vraiment perturbant, le texte gagne ainsi en vivacité et permet de rentrer davantage dans l'intimité de Charity. Les aquarelles de Philippe Dumas, apportent un contrepoint à celles que nous décrit la jeune fille, et amènent une note de fraîcheur et de tendresse. L'histoire de cette jeune fille, très consciente de sa situation, de son caractère de cochon, et du regard de la société, est vraiment touchante. Cherchant l'indépendance dans un monde où ce n'est pas concevable, entre se marier ou finir veille fille, elle va se tailler une autre voie. Soucieuse des autres, à parfois s'oublier elle-même dans la neurasthénie, les encouragements de ses amis vont pourtant l'aider à enfin se réaliser. L'écriture touchante et légère rend à merveille ce personnage sensible, à la vie pas si rose que cela...
Marie-Aude Murail dédie en introduction ce livre au lapin de Beatrix Potter, au corbeau de Charles Dickens, à Oscar Wilde et Bernard Shaw. Mais d'autres influences se font sentir, qu'elle ne cite pas, comme Kenneth Graham, l'auteur du Vent dans les saules, ou Frances H. Burnett, celle de la Petite Princesse (entres autres !). A travers ces auteurs, l'auteure rend un très bel hommage à la littérature anglaise du XIXème siècle, et surtout à l'enfance. Je me suis moi aussi nourrie d'un certain nombre de ces textes, et nul doute qu'ils ont influencé le développement de mon imaginaire... Bref, énorme coup de coeur pour ce roman, une histoire magnifique et lumineuse.
Je suis dans ma vingt-troisième année. Mais je me sens plus âgée. Et pourtant, je n’ai presque rien vécu. Les années immobiles comptent peut-être doubles.
- Qu'est-ce qu'elle a ? Est-elle malade ?
- Elle est folle. Elle récite du Shakespeare au milieu de tout un ramassis de bestioles !J'ignore d'où elle tenait son information, mais je dus reconnaître que que c'était un assez bon résumé de ma vie.
Commentaires
J'ai adoré ce livre, comme presque tout ce que fait Marie-Aude Murail en fait :)
J'avoue que je n'ai pas encore beaucoup lu d'elle, mais ça m'a donné envie de passer à la vitesse supérieure :)