Le Loup des Kilghard - Marion Zimmer Bradley
Par Yume le samedi 9 août 2014, 20:32 - Fantasy - Lien permanent
Bard mac Fianna a acquis une position enviable à la Cour d'Asturias. Malgré son jeune âge, son talent pour la stratégie lui a valu d'être nommé chef de l'armée du royaume. Voulant attacher le jeune homme plus étroitement à sa maison, le roi le fiance même à sa fille, Carlina. Tout pourrait donc aller pour le mieux, mais le jeune homme, d'origine illégitime, compense son manque de confiance en lui derrière un caractère orgueilleux et agressif. Trop pressé de concrétiser son union avec sa fiancée, il la malmène, voulant la prendre contre son gré. Bard se heurte alors à son futur beau-frère, voulant défendre l'honneur de sa soeur, et à son cousin, qu'il blesse gravement. Le roi le condamne alors à sept années d'exil loin de l'Asturias, où Bard, forcé de devenir mercenaire, acquiert le surnom de Loup des Kilghard... Au bout de sept ans, à la mort du roi, il revient, bien décidé à reprendre son rang et sa fiancée, par la force. Il sera aidé en cela par son double parfait, Paul, transporté d'au-delà les étoiles sur Ténébreuse grâce aux pouvoirs du laran.
Ce roman, qui se situe comme le tome précédent, La Belle Fauconnière, dans l'âge dit "Les Cent Royaumes", campe un contexte politique troublé. Voulant étendre les frontières de leurs petits royaumes, ou simplement mener des vendettas rapides mais sanglantes, les rois de cette contrée mettent sur pied guerre sur guerre. Les dégâts sont à chaque fois considérables, les pouvoirs du laran s'ajoutant à la puissance physique des armées. Le terrible feuglu ou les bombes incendiaires ravagent des territoires entiers, les rendant stériles et rendant malades les populations pendant des générations. C'est dans cet univers forcément très masculin que le personnage de Bard s'inscrit. Et c'est d'ailleurs l'aspect le plus surprenant de ce roman. Ici, Marion Zimmer Bradley ne se concentre pas comme d'habitude sur une héroïne féminine. Elle nous prouve à travers le personnage de Bard, qu'elle a autant de talent à saisir la psychologie masculine, si ce n'est même encore plus de finesse.
Bard est un jeune homme au caractère tourmenté. Souffrant d'un complexe d'infériorité à cause de sa naissance illégitime, il compense par la violence ses prétendues faiblesses en maltraitant des femmes. Grâce à son propre laran, il peut s'imposer aux femmes, et les violer en leur donnant l'apparence du consentement. Persuadé d'être dans son bon droit, et que les femmes ne désirent que cela, il s'enferme dans un cercle vicieux, qui ne se rompra qu'après bien des épreuves... Malgré ce portrait complètement détestable, Marion Zimmer Bradley nous donne les clés pour le comprendre, et c'est toute la richesse du roman. L'ajout original du double venu d'ailleurs, même s'il se fait attendre, permet de construire la rédemption de Bard. Car oui, il y aura un happy end. Le jeune homme en paie le prix fort, mais il trouvera peut-être enfin le bonheur...
Comme dans toute l'oeuvre de Marion Zimmer Bradley, ce tome est aussi l'occasion d'aborder le thème récurrent de la condition des femmes. Elle l'aborde sous un angle vraiment différent, et j'ai été très agréablement surprise, même s'il est parfois difficile de lire le cheminement des pensées de Bard, tant elles sont ignobles... Mais c'est aussi parfois l'occasion de mettre son empathie de côté, pour apprécier seulement le roman. Si le contexte géopolitique reste sous-exploité par rapport à la psychologie des personnages, ce tome reste un très bon roman, vraiment crédible !