hamlet_paradis.jpgLondres. 1949. Viola Lark a coupé les ponts avec sa noble famille pour faire carrière dans le théâtre. Quand on lui propose de jouer le rôle-titre dans un Hamlet modernisé où les genres ont été chamboulés, elle n'hésite pas une seconde. Mais l'euphorie est de courte durée, car une des actrices de la troupe vient de mourir dans l'explosion de sa maison de banlieue. Chargé de l'affaire, l'inspecteur Carmichael de Scotland Yard découvre vite que cette explosion n'est pas due à une des nombreuses bombes défectueuses du Blitz. Dans le même temps, Viola va cruellement s'apercevoir qu'elle ne peut échapper ni à la politique ni à sa famille dans une Angleterre qui embrasse la botte allemande et rampe lentement vers un fascisme de plus en plus assumé. (Résumé de l'éditeur)

J'ai adoré le Cercle de Farthing, précédent roman de Jo Walton, et premier volume de la trilogie du Subtil changement. Alors que d'habitude, j'attend sagement que ma bibliothèque achète les romans que je convoite, j'ai préféré aller l'acheter directement chez mon libraire pour l'avoir plus vite entre les mains. Il faut dire que j'étais pressée de retrouver cet univers concocté par l'auteur, qui mêle habilement policier et uchronie. Et si j'ai d'abord été déçue de ne retrouver Daniel et Lucy Kahn, les précédents protagonistes, qu'au détour de quelques phrases, on est rapidement pris dans l'intrigue. Cette dernière est menée de front comme précédemment, à la fois par l'inspecteur Carmichael, que l'on connaît déjà, et par Viola Lark, une actrice de de théâtre.

Quelques semaines après les événements du premier tome, nous retrouvons la situation politique en Angleterre, qui fait partie intégrante de l'intrigue. Et c'est tout l’intérêt du livre, car on pourrait se lasser de la construction similaire au précédent volume. Et pourtant, Jo Walton nous captive dés les premières pages. On retrouve l'inspecteur Carmichael avec grand plaisir, d'autant plus qu'il gagne en épaisseur. On en apprend plus sur son passé, et ses motivations dans son métier : c'est un homme qui aime ce qu'il fait, mais qui doit cacher ce qu'il est réellement au monde... Par opposition à Carmichael, le personnage de Viola Lark paraît plus superficiel. Vivant pour le théâtre, elle est complètement déconnectée des réalités du monde qui l'entoure. S'il est difficile de s'attacher à elle, son personnage est vraiment crédible, et ses points de vue à l'opposé de l'inspecteur nuancent le récit.

Dans cette nouvelle enquête, le côté "mystère à résoudre à tout prix" est moins prégnant, puisque le lecteur a déjà pratiquement tous les éléments à sa disposition au cours de sa lecture. C'est davantage une course contre la montre, dont le dénouement nous échappe encore. La plume toujours aussi efficace et vive de l'auteure nous tient en haleine tout au long du roman, malgré quelques dialogues parfois un peu longs. Mais je la pardonne facilement face à l'ampleur que prend son univers en parallèle. Alors que l'Angleterre glisse lentement sur le même chemin que l'Allemagne, accueillant même Hitler pour une visite diplomatique à Londres (et que Viola trouvera très sympathique...), les conséquences sont nombreuses pour les anglais. Les juifs, les opposants politiques, les homosexuels,... sont les premiers touchés par cette nouvelle politique, mais l'ambiance malsaine qui s'installe touche toutes les classes de population. La délation, les manipulations, les arrestations dans l’intérêt de la sécurité nationale,... L'auteure brosse le portrait d'une société qui trouve des échos effrayants à la notre.

Ce second tome ne me déçoit en aucun cas. J'espérais que l'univers construit par Jo Walton se complexifie, et elle nous offre une situation toute en nuances. Elle évite le manichéisme, chose pas facile quand on a affaire au personnage d'Hitler, nous faisant réagir par de multiples points de vue aux conséquences des actes des personnages. Même si je me suis moins identifiée à ces derniers, Viola en particulier, la plume percutante de l'auteure nous plonge dans le récit, plus sombre, plus violent, que le précédent... Vivement la suite !