combat_d__hiver.jpgLe combat d'hiver est celui de quatre adolescents, évadés de leur orphelinat-prison, pour reprendre la lutte perdue par leurs parents, quinze ans plus tôt. Ont-ils la moindre chance d'échapper aux terribles "hommes-chiens" lancés à leur poursuite dans les montagnes glacées ? Pourront-ils compter sur l'aide généreuse du "peuple-cheval" ? Survivront-ils à la barbarie des jeux du cirque réinventés par la Phalange ? Leur combat, hymne grandiose au courage et à la liberté, est de ceux qu'on dit perdus d'avance. Et pourtant. (Résumé de l’éditeur)

Si j’avais totalement adoré m’imprégner de l’univers du Chagrin du roi mort, très travaillé et poétique, j’avais un peu moins adhéré à Terrienne, qui bien que captivant, était moins chaleureux. Je poursuis ici mon exploration de l’univers de cet auteur, et à peine commencé, j’étais sûre que ce Combat d’hiver serait un coup de cœur. Et mes impressions n’ont fait que se confirmer à mesure que j’avançais dans cette histoire à plusieurs voix, captivante.

L’histoire est somme toute classique (c’est une dystopie !) (si ce mot n’était pas tant dans toutes les bouches aujourd’hui, j’éviterai de lui coller cette étiquette, mais bon, allons-y gaiement), le combat d’enfants, reprenant celui de leurs parents assassinés, contre la Phalange, un gouvernement totalitaire régnant sur la population par la répression et la terreur. Mais ce n'est pas tant le côté politique qui est mis en avant dans l'histoire, puisqu'au final on ne découvre pas tant de choses que ça sur cette fameuse Phalange. Ce que Mourlevat s'attache surtout à faire, c'est de nous plonger dans la vie de ces quatre adolescents, luttant pour leur liberté. On découvre l'évolution de leurs sentiments, en les suivant chacun leur tour, dans les chapitres où ils s'expriment. Leurs voix se rejoignent de façon astucieuse et naturelle, et on ne ressent pas la frustration de suivre un personnage plutôt qu'un autre, comme j'ai pu le vivre dans des romans utilisant le même motif.

Au delà de ce schéma classique, ce qui nous attire irrésistiblement dans cette histoire, c’est le cœur que met Mourlevat à nous décrire l’histoire et l’univers de ces personnages dans ses moindres détails ; l’ambiance qu’il arrive à créer grâce à des mots simples, des évocations poétiques, … Notre attachement pour les personnages passe par là, par l'attirance que l'on ressent pour l'univers dans lequel ils évoluent, qui nous semble réel et presque palpable. Et on ne peut que compatir à leur condition, souffrir en même temps qu'eux de l'oppression dans les pensionnats, de la terreur maintenue sur la population avec des hommes-chiens à la fois sauvages et étrangement civilisés, ... Cette histoire pourrait être universelle après tout. Mais Mourlevat y ajoute de petites touches de beauté, de bonheur et d'espoir, qui transfigurent tout : un dessin de ciel bleu dans une cellule-prison, des consoleuses réconfortant des enfants quelques heures par an, une révolte qui passe par la musique d'une jeune cantatrice, ... et tant de petits détails qui font toute la différence.

Mais on pourrait regretter quelques petites choses dans ce roman, comme je l’ai regretté aussi dans Terrienne. De nombreuses pistes sont lancées par Mourlevat, et il n’y donne pas forcément suite. Il y aurait des sujets à creuser davantage, et on reste un peu sur notre faim, notamment au sujet des quelques éléments de fantastique qui parsèment le roman (ces fameux hommes-chiens, d'où viennent-ils?). Après c’est ma curiosité insatiable d’aller au fond des choses qui parle… Mais comme dirait l’autre, c’est le jeu ma pauvre Lucette, c’est l’auteur qui décide ce qu’il nous montre.

Ce qui est sûr par contre, et ce qui se retrouve dans tous ses livres, c’est que l’on éprouve beaucoup d’émotions. A l’unisson des personnages, nous vibrons tour à tour de colère, d’horreur, de joie, de fierté, de patriotisme… Nous versons toujours notre larme à la fin, tant Mourlevat sait nous émouvoir, ne prenant pas le chemin de la facilité, ne nous donnant pas ce que l’on a envie de voir, mais les choses comme elles doivent se passer.

Un auteur incontournable, au style sensible, qui sait aller au fond des choses en peu de mots.