Les reflets d'argent - Susan Fletcher
Par Yume le dimanche 28 décembre 2014, 10:44 - Autres - Lien permanent
Une légende raconte qu'il y a très longtemps un homme, pleurant son amour perdu, entendit en marchant sur une plage de l'île de Parla, une voix portée par le vent, ces mots comme soufflés par la mer : l'espoir existe. Il se tourna alors vers la mer, et vit un homme au loin, flottant à son aise dans l'eau déchaînée. L'homme plongea et ne reparut pas. Il avait une queue de poisson. Certains le prirent pour un fou, d'autres le crurent, car cette île avait toujours charrié drames et miracles, et porté les hommes qui y vivaient comme des éléments naturels, composant sa force. L'homme retrouva celle qu'il aimait et vieillit avec elle sur les rives de l'île. Ce jour-là, sur cette même rive, le jeune Sam Lovegrove découvre le corps d'un inconnu, il s'approche terrorisé, croyant faire face à un cadavre. Puis recule en criant, car l'homme n'est pas mort. Colosse battu par les vagues, l'homme a survécu. Sam court chercher son père, son oncle et son cousin, pour l'aider à transporter le corps chez l'infirmière de l'île, Tabitha. Pour Tabitha, comme pour les quatre hommes, cette apparition est troublante, tout comme les cheveux noirs et la barbe de cet inconnu, qui réveillent les souvenirs d'un disparu. Personne n'a revu Tom depuis quatre ans. Et à présent que la rumeur de l'apparition se répand sur l'île, de proche en proche, jusqu'à la veuve de Tom, les légendes semblent tout à coup plus réelles, les hommes semblent soudain réécrire l'histoire de l'île, ramasser ses mythes sur le rivage, leurs espoirs bouillonnant dans les flots comme autant de reflets d'argent sous le vent. (Résumé de l'éditeur)
Déjà, en refermant Un bûcher sous la neige l'année dernière, à peu près à la même époque de l'année, j'avais eu le coeur serré. C'était un beau livre. Un livre dont les mots semblent nous parler intimement. Un livre dont on a envie de noter les phrases pour s'en souvenir. Sauf qu'il faudrait prendre note de tout le livre, en fait, tant toutes les phrases sont parfaites. Et puis, j'ai pris ces Reflets d'argent, et j'y ai retrouvé avec le même bonheur ces mots sensibles, ces phrases ciselées, ces images qui font vibrer. La plume de Susan Fletcher est magique pour moi. Autant j'avais vécu à l'unisson de l'âme de Corrag, la sorcière des Highlands, autant je me suis sentie presque chez moi dans ce roman. Dans ces petites maisons qui sentent le mouton et le chien mouillé. Ou dans la lumière de ce phare qui éclaire tout l'espace d'un flash de quelques secondes. Sur les plages où algues, cailloux et bouteilles en plastique côtoient des bottes en caoutchouc dépareillées sur une clôture. Et j'ai aussi retenu ma respiration en découvrant le destin de ces hommes et ces femmes, ces insulaires, à la vie fêlée, aux destins liés.
Au delà de la beauté des mots, Susan Fletcher nous fait rentrer dans l'intimité de ces familles qui vivent sur l'île de Parla. Parla et ses légendes issues de la mer. Parla et sa vie rude, pour les éleveurs et les pêcheurs, et pour les femmes et leurs enfants. Une terre et une mer qui sculptent les habitants. Des éléments qui s'entremêlent, avec l'espoir, le deuil, les mensonges et l'amour. Et si la mort d'un homme tant aimé par tous, et l'arrivée de ce mystérieux Homme-poisson pouvait tout changer? Amener le changement que personne n'a plus la force d'insuffler dans sa vie, pour que les non-dits, la douleur de la perte, l'absence ou la dépression s'éloignent.... L'auteure réussit une histoire qui ressemble à la fois à une blessure, à un espoir, et à un enchantement. Une de ces histoires qui laissent des traces, et qui font du bien. Avec sa plume si poétique, si profonde, si sensible, Susan Fletcher nous parle avec un talent incroyable de l'amour. Mais comme en le chuchotant dans nos oreilles, avec tendresse, nous laissant sous le charme, tout au long des pages... Ai-je encore besoin de dire que ce livre est un coup de coeur absolu?
Il y a des moments qui deviennent importants dans notre vie. Des moments fondateurs, puissants. Parfois ils se produisent si discrètement qu'ils passent sans qu'on les remarque, de sorte qu'on ne se rend compte qu'après coup, en se retournant, qu'ils ont tout changé ; parfois nous les prenons exactement pour ce qu'ils sont.