Le rêve du renard

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dimanche 28 décembre 2014

Les reflets d'argent - Susan Fletcher

reflets_argent.jpgUne légende raconte qu'il y a très longtemps un homme, pleurant son amour perdu, entendit en marchant sur une plage de l'île de Parla, une voix portée par le vent, ces mots comme soufflés par la mer : l'espoir existe. Il se tourna alors vers la mer, et vit un homme au loin, flottant à son aise dans l'eau déchaînée. L'homme plongea et ne reparut pas. Il avait une queue de poisson. Certains le prirent pour un fou, d'autres le crurent, car cette île avait toujours charrié drames et miracles, et porté les hommes qui y vivaient comme des éléments naturels, composant sa force. L'homme retrouva celle qu'il aimait et vieillit avec elle sur les rives de l'île. Ce jour-là, sur cette même rive, le jeune Sam Lovegrove découvre le corps d'un inconnu, il s'approche terrorisé, croyant faire face à un cadavre. Puis recule en criant, car l'homme n'est pas mort. Colosse battu par les vagues, l'homme a survécu. Sam court chercher son père, son oncle et son cousin, pour l'aider à transporter le corps chez l'infirmière de l'île, Tabitha. Pour Tabitha, comme pour les quatre hommes, cette apparition est troublante, tout comme les cheveux noirs et la barbe de cet inconnu, qui réveillent les souvenirs d'un disparu. Personne n'a revu Tom depuis quatre ans. Et à présent que la rumeur de l'apparition se répand sur l'île, de proche en proche, jusqu'à la veuve de Tom, les légendes semblent tout à coup plus réelles, les hommes semblent soudain réécrire l'histoire de l'île, ramasser ses mythes sur le rivage, leurs espoirs bouillonnant dans les flots comme autant de reflets d'argent sous le vent. (Résumé de l'éditeur)

Déjà, en refermant Un bûcher sous la neige l'année dernière, à peu près à la même époque de l'année, j'avais eu le coeur serré. C'était un beau livre. Un livre dont les mots semblent nous parler intimement. Un livre dont on a envie de noter les phrases pour s'en souvenir. Sauf qu'il faudrait prendre note de tout le livre, en fait, tant toutes les phrases sont parfaites. Et puis, j'ai pris ces Reflets d'argent, et j'y ai retrouvé avec le même bonheur ces mots sensibles, ces phrases ciselées, ces images qui font vibrer. La plume de Susan Fletcher est magique pour moi. Autant j'avais vécu à l'unisson de l'âme de Corrag, la sorcière des Highlands, autant je me suis sentie presque chez moi dans ce roman. Dans ces petites maisons qui sentent le mouton et le chien mouillé. Ou dans la lumière de ce phare qui éclaire tout l'espace d'un flash de quelques secondes. Sur les plages où algues, cailloux et bouteilles en plastique côtoient des bottes en caoutchouc dépareillées sur une clôture. Et j'ai aussi retenu ma respiration en découvrant le destin de ces hommes et ces femmes, ces insulaires, à la vie fêlée, aux destins liés.

Au delà de la beauté des mots, Susan Fletcher nous fait rentrer dans l'intimité de ces familles qui vivent sur l'île de Parla. Parla et ses légendes issues de la mer. Parla et sa vie rude, pour les éleveurs et les pêcheurs, et pour les femmes et leurs enfants. Une terre et une mer qui sculptent les habitants. Des éléments qui s'entremêlent, avec l'espoir, le deuil, les mensonges et l'amour. Et si la mort d'un homme tant aimé par tous, et l'arrivée de ce mystérieux Homme-poisson pouvait tout changer? Amener le changement que personne n'a plus la force d'insuffler dans sa vie, pour que les non-dits, la douleur de la perte, l'absence ou la dépression s'éloignent.... L'auteure réussit une histoire qui ressemble à la fois à une blessure, à un espoir, et à un enchantement. Une de ces histoires qui laissent des traces, et qui font du bien. Avec sa plume si poétique, si profonde, si sensible, Susan Fletcher nous parle avec un talent incroyable de l'amour. Mais comme en le chuchotant dans nos oreilles, avec tendresse, nous laissant sous le charme, tout au long des pages... Ai-je encore besoin de dire que ce livre est un coup de coeur absolu?

Il y a des moments qui deviennent importants dans notre vie. Des moments fondateurs, puissants. Parfois ils se produisent si discrètement qu'ils passent sans qu'on les remarque, de sorte qu'on ne se rend compte qu'après coup, en se retournant, qu'ils ont tout changé ; parfois nous les prenons exactement pour ce qu'ils sont.

vendredi 22 août 2014

La dame du manoir de Wildfell Hall - Anne Brontë

dame__WildfellHall.jpgL'arrivée d'Helen Graham, jeune veuve, au manoir de Wildfell Hall avec son enfant, excite la curiosité des habitants d'un petit village d'Angleterre. Sa vie retirée, ses manières réservées, le mystère de son origine, font naître de nombreuses rumeurs. Belle et mystérieuse, elle refuse de nouer tout contact avec ses voisins. Quel secret peut-elle bien cacher? Gilbert Markham, n'est pas insensible au charme de la jeune femme et une certaine amitié commence même entre eux... Mais les événements se précipitent, et Helen révèle son passé à Gilbert, en lui confiant son journal intime... Le jeune homme y découvre les espoirs d'une jeune femme en âge de se marier. Innocente et ignorante, elle tombe amoureuse d'Arthur Huntington, séduisant et frivole. Malgré les conseils de sa tante, elle l'épouse. Forte de sa foi, elle est sûre de pouvoir redresser les défauts qu'elle découvre petit à petit en son mari. Elle s'adonne à son rôle d'épouse avec abnégation et dévotion, mais Arthur Huntington se révèle bientôt un homme alcoolique, jaloux, égoïste et colérique. Passant de longs mois de débauche à Londres, il laisse sa femme seule dans leur demeure. La vie d'Helen se transforme peu à peu en cauchemar. Essayant de ramener son mari à la raison, elle obtient l'inverse : aversion, humiliation et mauvais traitements, jusqu'à être trompée sous son propre toit. Voulant à tout prix préserver l'innocence de son petit garçon, elle décide de quitter le foyer...

Après avoir lu les oeuvres de ses soeurs Charlotte (dont j'aime infiniment Jane Eyre) et Emily (après l'avoir lu deux fois, les Hauts de Hurlevent ne m'émeuvent toujours pas), je me penche enfin sur la prose d'Anne. Moins connue que le reste de la fratrie, son style est pourtant tout aussi remarquable. La Dame du manoir de Wildfell Hall (aussi nommée La recluse de Wildfell Hall selon les traductions), a une forme très particulière qui enchâsse des récits différents sur la forme, les narrateurs, et même le temps. C'est très surprenant mais Anne Brontë excite encore plus notre curiosité ! Le livre s'ouvre d'abord sur le récit de Gilbert Markham, sous la forme d'une (très !) longue lettre à un destinataire que l'on ne connaîtra que très tard. Dans ce récit est ensuite imbriqué le journal intime d'Helen Huntington, que l'on connaît au début de l'histoire sous le nom d'Helen Graham.

Ce roman, d'une grande finesse psychologique, m'étonne autant que ceux de ces soeurs. Comment ces femmes, presque retirées du monde, peuvent-elles avoir développé un regard si acéré sur la société du 19ème siècle et ses travers? Comment Anne Brontë peut-elle brosser avec tant de précision ce portrait de femme opprimée par le mariage? L'évolution des sentiments d'Helen à travers son journal est très progressive, elle mûrit peu à peu. De la tendresse des premières semaines, succède la colère et la haine, et pourtant, la jeune femme refuse de se laisser piétiner. En Angleterre, comme ailleurs en Europe au XIXème siècle, les femmes dépendent entièrement de leur mari, et la décision d'Helen de se dresser contre son mari et de le quitter, prouve sa volonté de lutter pour ce qu'elle croit juste. Elle n'est arrivée à cette décision que tardivement, et si ce n'était pour son fils, elle serait sûrement restée auprès d'Arthur...

Le livre a fait beaucoup de bruit à sa parution. Braver les conventions du mariage et parler de l'alcoolisme était vraiment d'une grande modernité. A travers ce roman, Anne semble moins romanesque que ses soeurs, et beaucoup plus engagée. L'histoire n'est pourtant pas dénuée de romantisme, et les rebondissements de l'intrigue ne m'ont pas fait lâcher le livre jusqu'à la fin. La construction du livre montre également les qualités littéraires indéniables de l'auteur. Sa plume, fine et vive, est très agréable à lire. Si ce n'étaient les fautes de frappe qui parsèment le livre, ma lecture aurait été parfaite ! (et la préface, qui révèle la plus grosse partie de l'histoire aussi, merci pour le suspens). Ce roman est une très belle découverte, un bijou de la littérature anglaise qui gagnerait à être connu davantage.

samedi 21 juin 2014

Les Trois mousquetaires - Alexandre Dumas

trois-mousquetaires.jpgAux trois gentilshommes mousquetaires Athos, Porthos et Aramis, toujours prêts à en découdre avec les gardes du Cardinal de Richelieu, s'associe le jeune gascon d'Artagnan fraîchement débarqué de sa province avec pour ambition de servir le roi Louis XIII. Engagé dans le corps des mousquetaires, d'Artagnan s'éprend de l'angélique Constance Bonacieux. En lutte contre la duplicité et l'intrigue politique, les quatre compagnons trouveront en face d'eux une jeune anglaise démoniaque et très belle, Milady, la redoutable espionne du Cardinal. D'Artagnan seul échappe à ses agents. Mais rapportera-t-il à temps à la Reine de France, Anne d'Autriche, les ferrets qu'elle a remis à son amant, le duc de Buckingham? (Résumé de l'éditeur)

J'ai de très bons souvenirs de ce roman, lu dans ma jeunesse en version abrégée, j'ai donc eu envie de retrouver les aventures pleines de panache de ces 4 mousquetaires (trois mousquetaires et un garde pour être précise !), dans la version intégrale, beau pavé de 900 pages. J'ai profité de la version numérique une fois n'est pas coutume, histoire de rentabiliser ma liseuse, qui prend un peu la poussière ces temps-ci.

Que dire de ce roman si ce n'est qu'il nous embarque dans une aventure pleine de rebondissements qui nous tient en haleine du début à la fin? Des capes, des épées, des chevauchées contre le temps, des manipulations et des intrigues, des duels dans des rues sombres ! La langue utilisée, bien que riche et ancienne, coule de façon naturelle, sans que la lecture en soit gênée. Les dialogues pleins de verve, les anecdotes historiques, sans oublier les petits commentaires d'Alexandre Dumas, nous réservent des passages humoristiques inattendus.

Et que dire des personnages, extraordinaires et pleins de vie. Chaque mousquetaire avec son caractère et ses petites habitudes, le cardinal et ses manigances politiques, le Roi au caractère ombrageux et jaloux,... sans oublier Anne d'Autriche, les valets de ces messieurs les mousquetaires... Et le meilleur pour la fin : Milady. Quel personnage que cette femme manipulatrice, charmeuse, au passé sombre, et qui a le pouvoir de renverser toute situation à son avantage. Dumas a su lui donner une densité incroyable : on la hait, on la déteste !

Si l'intrigue est bien ficelée, le contexte historique apporte une véracité au récit qui m'a permis de réviser mon histoire de France avec plaisir. Je pense donc me laisser tenter par d'autres ouvres de ce grand écrivain (et de son collaborateur controversé, Auguste Maquet, rendons à César ce qui appartient à César), ce roman étant pour l'instant le seul Dumas à mon actif. Mais les souvenirs qu'il m'a laissé sont vraiment inoubliables et font partie de mon imaginaire de jeunesse aussi sûrement que les livres de Roald Dahl ou de J.K. Rowling.

samedi 7 juin 2014

Cercle de pierre, 1 : Le Chardon et le Tartan - Diana Gabaldon

chardon_tartan.jpgAncienne infirmière de l'armée britannique, Claire Beauchamp-Randall passe des vacances tranquilles en Ecosse où elle s'efforce d'oublier les horreurs de la Seconde Guerre mondiale auprès de son mari, tout juste rentré du front... Au cours d'une promenade sur la lande, elle est attirée par des cérémonies étranges qui se déroulent près d'un menhir. Elle s'en approche et c'est alors que l'incroyable survient : la jeune femme est précipitée deux cents ans en arrière, dans un monde en plein bouleversement ! 1743. L'Ecosse traverse une période troublée. Les Highlanders fomentent un nouveau soulèvement contre l'occupant anglais et préparent la venue de Bonnie Prince Charlie, le prétendant au trône. Plongée dans un monde de violences et d'intrigues politiques qui la dépassent, Claire ne devra compter que sur elle-même pour surmonter les multiples épreuves qui jalonnent ce formidable voyage dans le temps. Elle connaîtra l'aventure et les périls, l'amour et la passion. Jusqu'au moment crucial où il lui faudra choisir entre ce monde palpitant qu'elle aura découvert et le bonheur qu'elle a connu et qui, désormais, lui paraît si lointain... (Résumé de l'éditeur)

Une amie m'a parlé de ce livre car une série télé adaptée de ce cycle va bientôt sortir, du nom d'Outlander. Le trailer aillant l'air sympa, entre voyages dans le temps et paysages sauvages d'Ecosse (sans oublier des écossais en kilt), je ne pouvais pas laisser passer ça !

L'histoire, racontée du point de vue de Claire, nous emmène tout d'abord dans une Europe qui se relève de la seconde Guerre Mondiale. Femme indépendante et moderne, ayant été infirmière pendant la guerre, elle a un caractère plutôt détonnant. Autant dire que lorsqu'elle arrivera 200 ans en arrière dans une société dominée par des hommes, elle va faire tache... Seule et dans l'impossibilité de révéler à quiconque ce qu'elle fait en Ecosse, elle est dans une situation délicate. Elle va pourtant réussir à s'intégrer parmi ces highlanders, pas si rustres et sauvages que ça, même si les superstitions sont toujours bien vivantes... Mais elle pourra compter sur Jamie, jeune écossais (en kilt !), avec qui on voit venir une idylle à des kilomètres. Si leur histoire d'amour n'est pas banale, Jamie est tellement un fantasme sur pattes, qu'il ne m'a pas paru très réel... (ce serait trop beau !)

Je suis plutôt bon public pour les romances, et j'ai été bien servie ! Entre de nombreuses descriptions, on assiste à une multitude de cavalcades, batailles, et autres évasions de prisons. Car Claire va être mêlée à pas mal d'ennuis avec des anglais. Elle-même anglaise, elle est soupçonnée par les écossais d'être une espionne, et les anglais pensent réciproquement. Ajoutez à cela une bonne dose de doutes et de mortifications sur son mari laissé en arrière, entrecoupées de scènes d'amour passionnées, et vous avez une intrigue de 600 pages plutôt fournie. Si le contexte historique est plutôt intéressant dans la première partie du roman, il s'estompe progressivement au profit d'intrigues plus locales. Une autre problématique pour Claire d'ailleurs, qui doit éviter de révéler ce qu'elle sait de l'avenir, de peur de peut-être le modifier...

Si j'ai passé un bon moment de lecture, je ne pense cependant pas que je lirai la suite. J'ai triché : j'ai lu les résumés des tomes suivants (et il y en a pas moins de 8, découpés en beaucoup plus de tomes en français), et si d'autres voyages dans le temps permettent apparemment de découvrir d'autres périodes historiques, et l'Amérique, j'ai peur que l'histoire soit un peu répétitive. Mais si vous voulez un bon roman, entre amour et aventures (tout n'est pas rose pourtant, il y a même des scènes plutôt dures), plutôt addictif, c'est vraiment bien écrit !

lundi 2 juin 2014

Prodigieuses créatures - Tracy Chevalier

prodigieuses_creatures.jpg"La foudre m'a frappée toute ma vie. Mais une seule fois pour de vrai".
Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces "prodigieuses créatures" dont l'existence remet en question toutes les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d'un milieu modeste se heurte aux préjugés de la communauté scientifique, exclusivement composée d'hommes, qui la cantonne dans un rôle de figuration. Mary Anning trouve heureusement en Elizabeth Philpot une alliée inattendue. Cette vieille fille intelligente et acerbe, fascinée par les fossiles, l'accompagne dans ses explorations. Si leur amitié se double peu à peu d'une rivalité, elle reste, face à l'hostilité générale, leur meilleure arme. (Résumé de l'éditeur)

Un petit retour à de la littérature plus traditionnelle... Je ne garde que quelques (bons !) souvenirs des autres livres que j'ai lu de cette auteure, comme La jeune fille à perle et La dame à la licorne, j'ai donc eu envie de me lancer dans un autre de ses romans. Si les fossiles n'ont pas l'air d'être un sujet passionnant au premier abord, Tracy Chevalier a su le rendre vivant à travers l'histoire de deux femmes empêtrées dans les convenances de l'Angleterre du XIXème siècle. Du choc de la découverte de nouvelles espèces remettant en question la Bible, accompagné d'une description des mœurs anglaises à la Jane Austen, nous découvrons bien plus qu'une histoire d'amitié et de fossiles.

A partir des éléments biographiques de la vie de Mary Anning et Elizabeth Philpot, qui ont réellement existé, Tracy Chevalier, en romançant le tout, a su créer un livre captivant, émouvant et vraiment passionnant. Les découvertes des deux héroïnes, des simples ammonites en passant par les lys de mer, aux plus fascinants ichtyosaures et plésiosaures, m'ont donné envie de partir immédiatement à la chasse aux fossiles ! Mais au-delà de ces trouvailles, c'est le côté humain qui domine dans cette histoire. Nous rencontrons d'abord Elizabeth, jeune femme de la bourgeoisie trop quelconque et trop peu fortunée pour attirer un mari, exilée à Lyme avec ses deux soeurs par son frère, car la vie y est bien moins chère qu'à Londres... C'est sur la plage que cette dernière rencontrera Mary, petite fille pauvre ramassant des "curios", revendus ensuite aux touristes, et ayant une curiosité et une connaissance instinctive au sujet des fossiles qui fait défaut à de nombreux scientifiques de l'époque. C'est le début d'une amitié forgée autour d'une passion commune pour le moins réprouvée par la bonne société...

Ramasser des fossiles est salissant, mais surtout une activité peu convenable pour une femme, d'autant plus si elle n'est pas accompagnée d'un chaperon. Sortir par tous les temps, compromettre sa réputation pour de simples animaux morts ? Inconcevable ! C'est dans ce carcan que les deux femmes issues de conditions sociales pourtant différentes, vont évoluer. Mais elles se heurteront d'autant plus à l'hostilité des scientifiques, exclusivement des hommes. Avant les découvertes de Darwin, les théories sur l'existence d'espèces aujourd'hui disparues sont presque taboues. Que des femmes s'expriment en plus sur le sujet... C'est complètement anti-conventionnel... Tracy Chevalier a ajouté à cela une histoire de rivalité amoureuse et professionnelle, rythmant un peu plus le récit. Le tout est vraiment bien écrit, documenté, historiquement passionnant. Ce roman est vraiment une réussite et met en scène dans un hommage vraiment touchant ces deux femmes qui sont allées à contre-courant des mentalités de l'époque.

samedi 11 janvier 2014

Un bûcher sous la neige - Susan Fletcher

buchersouslaneige.jpgAu coeur de l'Écosse du XVIIe siècle, Corrag, jeune fille accusée de sorcellerie, attend le bûcher. Dans le clair-obscur d'une prison putride le Révérend Charles Leslie, venu d'Irlande espionner l'ennemi, l'interroge sur les massacres dont elle a été témoin. Mais, depuis sa geôle, la voix de Corrag s'élève au-dessus des légendes de sorcières, par-delà ses haillons et sa tignasse sauvage. Peu à peu, la créature maudite s'efface ; du coin de sa cellule émane une lumière, une sorte de grâce pure. Et lorsque le révérend retourne à sa table de travail, les lettres qu'il brûle d'écrire sont pour sa femme Jane, non pour son roi. Chaque soir, ce récit continue, Charles suit Corrag à travers les Highlands enneigés, sous les cascades où elle lave sa peau poussiéreuse des heures de chevauchée solitaire. Chaque soir, à travers ses lettres, il se rapproche de Corrag, la comprend, la regarde enfin et voit que son péché est son innocence et le bûcher qui l'attend le supplice d'un agneau. (Résumé de l'éditeur)

Mon amie Guixxx m'avait conseillé ce livre il y a un bon moment déjà. Je ne m'étais pas encore décidée à le commencer, à la fois attirée par le sujet, et il faut bien le dire, repoussée aussi. L'histoire d'un procès pour sorcellerie ne peut pas être glorieux, quand on sait le nombre de femmes innocentes qui ont péri par feu, ou par l'eau. Ce livre, c'est aussi l'histoire d'un massacre, celui de tout un clan, hommes, femmes et enfants, pour la simple raison qu'ils soutenaient le mauvais roi...

Mais le récit ne se résume pas qu'à cela, et dés les premières lignes, j'ai été transportée dans cette époque éloignée, dans ces paysages que je ne connais pas. Le récit, purement narratif, se déroule comme dans un rêve, même s'il ressemble davantage parfois à un cauchemar. Nous sommes entièrement immergés dans le récit que fait Corrag de sa vie : de son enfance avec sa mère jusqu'à ce qu'elle soir arrêtée, de sa fuite d'Angleterre, de son arrivée en Ecosse,... et des rencontres qui ont émaillé sa route, qu'elles soient humaines ou animales. La plume de Susan Fletcher est magnifique, entre poésie et sensibilité à fleur de peau : chaque phrase est un bijou, en particulier lorsqu'elle évoque les paysages des Highlands. Comme le Révérend Leslie en fait lui-même l’expérience face au récit de Corrag, nous imaginons sans peine les descriptions qu'elle nous fait.

On en oublie presque le côté historique de ce roman. Car l'histoire s'inspire au départ de faits réels. L'histoire de Corrag, brodée autour, est un prétexte pour nous la raconter. Mais ce contexte historique sait souvent se faire oublier. Car nous vivons de toute notre âme la vie de Corrag. On partage ses émotions, ses peines, bien plus nombreuses que ses joies. Souvent je me suis sentie à l'unisson de ce qu'elle pensait ou ressentait. Le même besoin d'espace, de liberté. La même envie de se retrouver loin de toute civilisation hystérique et pétrie de préjugés. J'avais l'impression que le livre parlait à mon âme profonde... Je ne sais pas si tout le monde ressent la même chose face à cette lecture, mais pour moi, c'était presque ensorcelant.

Deux semaines après la lecture de ce roman, il m'habite toujours. Émouvant de vérité, il nous fait partager des émotions si fortes, éveille des images si puissantes, qu'on ne peut pas l'oublier sitôt la dernière page tournée. Et c'est bien difficile de vous faire partager mon enthousiasme pour un livre, qui se ressent, qui se vit, davantage qu'il ne se lit. Un coup de coeur vraiment, qui me donne envie de découvrir les autres livres de l'auteur !

Par une claire nuit de gel, alors qu'on racontait que tous les loups avaient disparu, j'en ai entendu un qui hurlait du côté de Bidean nam Bian. C'était un cri tellement long et triste que j'ai fermé les yeux en l'entendant. Il pleurait sa propre fin, je crois, ou la nôtre, comme s'il savait.

Les animaux n’ont pas gueuse ou sorcière en tête. Voilà pourquoi ils sont tellement raisonnables et dignes, ils voient seulement si on les traite bien ou mal. C’est comme ça que nous devrions être tous.

Tout ce que j'aimais m'entourait, rivières, rochers. Les bêtes. Les bruits du vent. Et je leur en étais reconnaissante. J'étais reconnaissante, car parmi eux je pouvais guérir les blessures en moi, les pertes, le chagrin. Ce que mon âme avait de meurtri, je pouvais le soigner et le nourrir dans ma cabane, ou sur les hauteurs, et qui en fait autant? De nos jours, qui prend le temps de soigner son âme?

mardi 17 décembre 2013

Lady Susan - Jane Austen

lady_susan.gifUne veuve spirituelle et jolie, mais sans un sou, trouve refuge chez son beau-frère, un riche banquier. Est-elle dénuée de scrupules, prête à tout pour faire un beau mariage ou juste une coquette qui veut s'amuser ? Le jeune Reginald risque de payer cher la réponse à cette question… (Résumé de l’éditeur)

Jane Austen est de loin une des mes auteures préférées. J’ai lu tous ses livres… sauf ce petit livre épistolaire ! (et Les Watson et Sanditon, mais je me refuse à lire des romans inachevés pour pleins de raisons que je ne développerais pas ici). Je ne peux pas expliquer que je ne lise que maintenant, alors que j’ai lu et relu tous les autres au moins une fois. En fait, je l'avais commencé, il y a longtemps. Mais le style épistolaire de ce livre a du me refroidir. Mais ce n'a été que pour mieux le redécouvrir aujourd'hui !

Lady Susan est une œuvre de jeunesse de Jane Austen. Sachant cela, on ne peut que s’étonner de la maturité sa plume. Lady Susan est de plus une veuve, un choix particulièrement audacieux, surtout quand on connaît le reste de la bibliographie de l’auteure, plutôt homogène avec des héroïnes jeunes, spirituelles et célibataires.... On passe donc de l’autre côté de la barrière, celle de la « méchante », mais avec autant de plaisir dans le style d’écriture. On suit avec plaisir les manipulations de cette jeune femme prête à tout pour garder son indépendance, dans une société extrêmement rigide et codifiée. Tour à tour coquette, menteuse, machiavélique… ses lettres sont aussi savoureuses que drôles. Surtout en regard des lettres de sa famille, atterrée de sa conduite légère et calculatrice.

La justesse des sentiments que décrit Jane Austen est incroyable et m’étonne à chaque fois que j’ouvre un de ses romans. C’est ici tout aussi frappant, et réjouissant. C’est léger, mordant et incisif, à la fois un OVNI et une pure œuvre austenienne.

«Certaines mères auraient insisté pour obtenir de leurs filles l'acceptation d'une offre aussi avantageuse dès les premières ouvertures. Moi, je n'ai pu en conscience contraindre Frederica à un mariage auquel son coeur refusait de se soumettre et, au lieu d'avoir recours à des mesures aussi rigoureuses, je me propose seulement de l'incliner à ce choix en rendant sa vie parfaitement insupportable aussi longtemps qu'elle n'aura pas accepté ce parti. Mais assez sur le chapitre de cette fille assommante.»

mercredi 10 juillet 2013

Trois hommes dans un bateau (sans parler du chien) - Jerome K. Jerome

í2ionFatigués de la vie londonienne, trois amis décident de prendre des vacances. Malgré les protestations de Montmorency, le chien, ils préparent une excursion sur la Tamise. Redécouvrir au fil de l’eau les charmes bucoliques de la campagne anglaise leur fera assurément le plus grand bien ! Mais leur optimisme sera mis à rude épreuve dés la préparation des bagages, et sera sans cesse entamé par les nombreux problèmes qui peuvent se poser lorsque l’on vit en communauté dans un espace aussi réduit que peut l’être un canot… Les objets sont aussi de la partie et n’auront de cesse de vouloir contrarier leurs propriétaires, quand ce n’est pas le chien qui se conduit de façon peu recommandable. Le voyage se transforme alors en véritable épreuve, émaillée de rencontres, de visites de lieux historiques et d'anecdotes qui n'ont pas grand chose à voir avec le voyage...

Après avoir lu Sans parler du chien de Connie Willis (que je n'ai toujours pas chroniqué), j'ai eu envie de lire le livre qui en était à l'origine. On fait tout de suite le parallèle entre les deux, que ce soit au niveau de la construction des chapitres, que de l'humour. Je ne savais pas ce que j'allais trouver en commençant ma lecture, mais j'ai été agréablement surprise. Peut-être que pour un livre datant de 1889, je ne pensais pas être pliée de rire dés la deuxième page...

Avec un détachement propre à l’humour anglais, la plus simple situation du quotidien se transforme en péripétie rocambolesque. Il faut dire que le caractère même du narrateur vaut son pesant d’or : fainéant, hypocondriaque et d’une mauvaise foi à toute épreuve. Prêchant tout et son contraire (à parfois quelques lignes d'intervalles), il nous abreuve d'anecdotes et d'exemples de la bêtise et de l'incompétence de ses amis et connaissances. Ses compagnons de canotage le lui rendent bien, et les événements nous apportent bien la preuve qu'ils se valent bien !

Que ce soit pour franchir une écluse, ou plus simplement ouvrir une boite d’ananas au sirop, en passant par la préparation d'un repas par des jeunes gens qui ne savent même pas cuisiner... On assiste à des scènes vraiment édifiantes. De grandes envolées lyriques sur la beauté de la nature sont également très divertissantes (si on aime les descriptions !), surtout quand notre narrateur s’interromp parce que sa barque vient d’heurter de plein fouet la berge…

Le récit peut sembler un peu patchwork (à l’image de l’esprit du narrateur…) et pourra peut-être rebuter certains lecteurs, mais si on accroche, c'est vraiment un régal à lire ! Rien ne vaut un extrait pour apprécier l’humour du texte ! Le passage de la bouilloire est particulièrement savoureux (ils le seraient tous à mon goût, mais celui-là est le plus court !)

Tel est, sur la Tamise, le seul moyen d'obtenir qu'une bouilloire consente à bouillir. Si elle voit que vous attendez sa bonne volonté avec impatience, elle s'abstiendra de chanter. Il vous faut vous éloigner et entamer votre repas, comme si vous n'alliez pas prendre le thé. Alors vous l'entendrez bientôt bouillir à gros bouillons, folle d'envie de se transformer en thé. C'est également une bonne méthode, si vous êtes très pressés, de vous dire les uns aux autres en parlant très haut, que vous n'avez pas besoin de thé et que vous n'allez pas en faire. Vous vous rapprochez de la bouilloire de façon qu'elle puisse vous entendre et vous lancez très haut : "Moi, je ne veux pas de thé. Et toi, Georges ?". A quoi Georges répond, de même : "Oh non, moi, je n'aime pas le thé. Prenons plutôt de la limonade. Le thé est trop indigeste." A l'instant, la bouilloire déborde et éteint le réchaud.

samedi 9 juin 2012

Mansfield Park - Jane Austen

mansfield_park.jpgA l’âge de 10 ans, Fanny est recueillie par la famille de son oncle, Sir Thomas Bertram, afin de recevoir une éducation digne de ce nom. Brutalement arrachée à tout ce qu’elle a toujours connu, elle va devoir s’adapter à la vie de la grande demeure de Mansfield Park. Elle va grandir au milieu de ses cousins plus âgés : Tom et Edmond, les garçons, et Maria et Julia, les filles. Ces dernières, conscientes de leur supériorité sur leur cousine d’extraction modeste, la traiteront comme une simple domestique de plus. Mais Edmond va prendre à cœur l’éducation de Fanny, esseulée et déprimée par l’indifférence de la famille à son égard. Il va former son esprit et la protéger de la tante Norris, dont la méchanceté n’a d’égale que son avarice. Les années passent, Fanny a 18 ans, et sa vie va radicalement changer à l’arrivée dans le voisinage de la famille Crawford. Miss Mary Crawford ne laisse pas Edmond indifférent, tandis que son frère Henry, séducteur volage, s'éprend de Fanny après avoir semé la zizanie chez les demoiselles Bertram…

J’ai tous les romans de Jane Austen, et je les relis souvent pour le plaisir. Chacun a son charme particulier, une ambiance qui lui est propre, et j’aime me replonger dans l’un ou l’autre (et dans un certain nombre des adaptations cinématographiques que j’ai en DVD). Là c’était le tour de Mansfield Park, que je n’avais lu qu’une fois, et pour cause, il est assez épais !

Le personnage principal de ce roman, Fanny, change beaucoup des autres romans de Jane Austen. On est face à une héroïne timide, effacée, et humble. Elle est donc différente des autres héroïnes de l’auteure, qui sont plus libres d’esprit, plus aventureuses et enjouées. Fanny est presque une anti-héroïne, mais sa simplicité et son stoïcisme face aux épreuves qu’elle va affronter, font que l’on s’attache à elle.
Mais ce roman est surtout différent des autres œuvres de Jane Austen par la complexité des personnages qu’elle va mettre en scène, ainsi que les relations qu’elle va tisser entre eux. Le roman, bien plus long, lui permet de donner toute la mesure de sa plume ironique, incisive, qui dépeint si bien les mœurs de l’époque. Je retrouve tout le charme suranné de la campagne anglaise, de la bonne société et des règles qui la régissent. Même si cela peut nous sembler complètement dépassé aujourd’hui, il y a une fraîcheur indéniable qui nous dépayse agréablement. On se prend à rêver à cette vie où le temps d’étire, où l’on vit au rythme des saisons…
Les relations amoureuses sont omniprésentes forcément, comme dans tous les romans de Jane Austen, mais elles ne tombent jamais dans le fleur bleue, malgré les dénouements toujours heureux pour l’héroïne.

Ce roman n’est pas mon préféré, mais il reste indéniablement très drôle, de cet humour austenien si particulier et savoureux, qui me fait oublier la vie trépidante et les gens hypocrites que l’on rencontre souvent.

Petit détail très rigolo pour finir : J.K. Rowling est une grande admiratrice de Jane Austen. Elle a nommé « Mrs Norris » la chatte du concierge dans Harry Potter, du nom de la tante tyrannique de Fanny, qui se mêle de tout et surtout de ce qui ne la regarde pas. On la connaît sous le nom de Miss Teigne en français. Et je dois dire que ça lui va comme un gant ! Le personnage de Mrs Norris est le plus drôle de toute la galerie de personnages de Mansfield Park !

jeudi 18 décembre 2008

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee

harper_lee.jpgC'est l’histoire d’une famille, dans une petite ville d’Alabama, pendant les années 1930. Atticus Finch y élève seul ses deux enfants, Jem et Scout et tente de leur inculquer les valeurs morales auxquelles il croit et notamment la tolérance. Avocat, il est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche. L’homme risque la peine de mort. Atticus et ses enfants vont alors être l’objet du déchaînement des mentalités des habitants de la ville.

Et hop ! une chronique d'un livre qui n'est pas de la fantasy/Sf ! Weee ! J'ai réussi à aimer autre chose ! ^_^
Bon lecture un peu forcée au départ je l'avoue, puisque c'était une fiche de lecture pour mon cours de littérature américaine. La prof ne voulait pas qu'on prenne de la Sf, parait que c'est pas sérieux et pas littéraire. Drapée dans ma dignité, j'ai râlé dans mon coin sans protester trop fort et je suis allée à la pêche à autre chose. Je suis tombée presque par hasard sur Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee. Et c'est quand même super agréable de faire une fiche de lecture obligatoire sur un bouquin qu'on a aimé (traumatisée je suis par d'anciennes fiches...).

Le livre est raconté du point de vue de Scout, qui a entre 7 et 10 ans (le livre se passe sur 3 ans), un peu garçon manqué, ce qui donne une fraîcheur incontestable au récit. Cela malgré un sujet pas trop folichon : la ségrégation et le racisme. Le récit n’est jamais dramatique, malgré les faits qu’il suggère, cela grâce à l’humour et l’intelligence de la narratrice qui portent le roman du début à la fin. On s’attache beaucoup aux personnages grâce à cela, ce qui nous attache d’autant plus à ce qui raconté, et nous touche forcément autant. La ségrégation a disparu, mais cela n’empêche pas à ce roman d’être encore très actuel. Mais ce sujet du racisme n'en est pas vraiment un, puisqu'il est mélangé à une foule d'anecdotes sur l'enfance de Scout et son frère, qui sont vraiment très drôles parfois ^^. Cet aspect montre que ce roman est aussi un roman universel sur l’enfance et l’apprentissage de la vie. On découvre au fil des pages, les questionnements des deux enfants et de leur ami, leur incompréhension face au monde qui les entoure, souvent injuste et tout le temps absurde et contradictoire sur les idées qu'ils prônent (un exemple marquant d'une institutrice qui déteste les noirs, mais également Hitler qui massacre et met au ban de la société ce "pauvre peuple juif", allez comprendre). L'image du père est également très présente avec l'image d'Atticus, qui pétri d'idées humanistes amène ses enfants à une vision d'égalité, de justice.
Bon j'ai eu du mal à résumer mes 4 pages de fiche, donc juste : lisez ce livre, il est merveilleux =). Ce n'est pas un énième roman moraliste sur le sujet, c'est comme un recueil de nouvelles sur l'enfance, agréable à lire et rempli d'anecdotes drôles.

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