Le rêve du renard

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dimanche 27 décembre 2015

Une petite pause s'impose

Ce petit message pour annoncer une suspension dans la publication d'articles sur le blog.

Les mois passants, je prend un peu moins de plaisir à écrire ici... Je ressens le besoin de me recentrer un peu, de prendre du recul sur mes motivations à partager mes notes de lecture. Si ce blog était au début un moyen d'améliorer mon écriture, de me souvenir davantage de mes lectures, et au fil des connaissances, un outil de partage avec les autres, aujourd'hui je suis un peu lasse.
Est-ce que les lectures enchaînées ces derniers temps étaient moins plaisantes? Est-ce que la pression de l'écriture sur le blog, alliée au facteur temps, est devenue trop importante? Est-ce que mon boulot, qui me prend une grande part de mon énergie et de temps de lecture m'en a t-il un peu trop pris ces derniers mois?

Bref, le temps de faire un peu le bilan, j'ai un nouveau compagnon de lecture... Mes souvenirs de lecture ne seront pas perdus pour autant !

bilan2016.jpg

Je ne quitte pas Internet de toutes façons, et je continuerai à commenter avec plaisir, si ce n'est davantage les lectures sur les blogs des amis ^_^
Et pour ceux que ça intéresse, je tiens toujours ma page Babelio à jour (sans les commentaires, mais avec de petites étoiles !)

A très bientôt donc je l'espère, et une très belle fin d'année à tous !

samedi 19 décembre 2015

Resurrection row - Anne Perry

resurrection_row.jpgQui donc s'amuse à déterrer les morts du très chic quartier de Gadstone Park ? S'agit-il de farces de mauvais goût ou faut-il y voir une plus sombre menace ? Chargé de l'enquête, Thomas Pitt se perd en conjectures. Mais le code de bonne conduite de la haute société anglaise ne tardera pas à se craqueler, révélant sa corruption et sa fausse respectabilité. (Résumé de l'éditeur)

Pas le temps de s'ennuyer, voici le 4ème volume des enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt ! Et là, question détente je suis servie ! Anne Perry nous sert dans cette histoire des cadavres qui se déterrent tout seuls... Mais comme d'habitude, malgré des détails peu engageants, je me suis régalée (je n'aurais jamais cru dire ça un jour).

Resurrection row, du nom d'un cimetière dans le quartier du même nom, démarre donc très fort avec la découverte d'un fiacre, conduit par un cadavre... Mais qui n'aurait jamais dû se trouver là, puisque cet homme est mort des semaines plus tôt ! Et dûment enterré bien sûr. Comment s'est-il retrouvé là, et pourquoi une telle mise en scène? Thomas commence son enquête, qui l'entraîne dans les beaux quartiers de Gadstone Park. Le regretté Lord Augustus Fitzroy-Hammond, puisque c'est de lui qu'il s'agit, laisse derrière lui une jeune et jolie veuve ainsi qu'une vieille mère acariâtre, qui ne font pas bon ménage ensemble. Alors que les indices se font rares, Lord Augustus, enterré une seconde fois en petit comité, refait son apparition sur le banc de l'église du quartier ! Et il ne sera pas le seul à sortir de sa tombe...

On retrouve avec plaisir Thomas pour cette enquête pour le moins zombiesque (même s'il n'y en a pas l'ombre d'un, nous sommes dans un polar victorien bien comme il faut). Elle m'a semblé d'ailleurs moins crédible que les précédentes enquêtes de l'inspecteur, et sa résolution un peu rapide et tirée par les cheveux. Mais je passe là-dessus, car on retrouve avec le même bonheur la tante Vespasia, son franc-parler et ses ragots légendaires. Son attachement pour Thomas et Charlotte la rend elle-même très sympathique. Un invité surprise s'ajoute également en la personne de Dominic Corde, ex beau-frère et amour de jeunesse de Charlotte. Une apparition que Thomas ne verra pas d'un très bon oeil.

Encore une fois, Anne Perry nous plonge véritablement dans le Londres de la reine Victoria. Une ville glauque et miséreuse dans ses quartiers défavorisés, où les enfants sont exploités, les femmes font le trottoir pour pouvoir faire manger leur famille,... Une vie que les riches protagonistes ignorent superbement, alors qu'ils pourraient changer les choses en votant les lois adéquates pour l'éducation des enfants notamment. Une incursion dans le proxénétisme et les débuts de la pornographie photographique achèvent le tableau. Avec les cadavres qui se déterrent tout seuls, c'est glamour !

Même s'il est passionnant, c'est un volume un peu en dessous des précédents. Je regrette qu'on ne partage pas davantage la vie de Charlotte et Thomas. Les seules fois où l'auteure les met en scène ensemble, c'est majoritairement dans la cuisine au moment des repas... On a vu plus passionnant, même si les soupes de Charlotte semblent délicieuses !

mercredi 16 décembre 2015

La fille flûte et autres fragments de futurs brisés - Paolo Bacigalupi

fille_flute.jpgPaolo Bacigalupi propose dans ce recueil 10 nouvelles, qui comme son nom l'indique, mettent l'accent sur l'avenir de l'humanité. Mais c'est là que ça se gâte... Ce sont des images d'un avenir sombre, un avenir où tout est faussé : technologie utilisée à mauvais escient, déliquescence de la race humaine, destruction des ressources naturelles, perpétuation de la mémoire impossible,... Une chose est sûre, ces nouvelles aussi visionnaires et percutantes soient-elles, sont très dures à lire. La souffrance des personnages est souvent insoutenable, et les avenirs présentés, paraissent vraiment probables.

Certaines nouvelles sont plus mémorables que d'autres, c'est donc de celles-ci dont je vais davantage parler.

La Fille-Flûte : Cette nouvelle qui ouvre le recueil est très étrange et donne froid dans le dos. Dans un système de petits royaumes où la célébrité fait loi, Madame Belari a acheté deux jumelles à qui elle a infligé des opérations de chirurgie esthétiques extrêmes. L'histoire, racontée du point de vue d'une des jeunes filles, nous fait découvrir une créature fragile, soumise à la perversion des plus forts. Son histoire tragique et glaçante, met en évidence le culte de la beauté, l'esclavage et la maltraitance. Je me demande comme l'auteur a eu l'idée de cette histoire...

Peuple de Sable et de Poussière : Dans un avenir post-apocalyptique, les humains sont maintenant génétiquement modifiés pour survivre à la pollution ambiante omniprésente. Se nourrissant même de boue radioactive, ils sont quasiment immortels. Lorsque 3 de ces "humains" trouvent par hasard un chien, une espèce censée ne se trouver plus que dans des zoo, et qui n'aurait jamais du survivre dans ce monde toxique, se pose la question de ce qu'ils vont en faire. Entre égoïsme et insensibilité, cette histoire pose la question de l'essence même de l'humanité, toute compassion est-elle vraiment morte? Une nouvelle qui m'a laissé un goût amer.

Groupe d’Intervention : Les humains ont enfin accédé à leur désir ultime : l'immortalité, grâce à l'invention d'un traitement spécifique. Pour éviter la surpopulation, ces hommes ont désormais totalement renoncé à avoir des enfants. Un enfant est même devenu un parasite dans l'imaginaire collectif, et les quelques femmes qui ont le désir d'en avoir un, doivent prendre la fuite et abandonner leur traitement de régénération. Traquées, elles vivent dans la peur d'être découvertes par le groupe d'intervention, qui sans pitié, résoudra le problème de la façon la plus expéditive qui soit. Une des nouvelles les plus réalistes du recueil. Elle propose une réflexion très forte et intelligente, en nous confrontant au point de vue d'un membre du groupe d'intervention. C'est terrible et vraiment dérangeant.

La Pompe Six : Cette nouvelle clôt avec beaucoup d'efficacité le recueil. On suit le quotidien d'un homme qui travaille à l'entretien des pompes de traitement des eaux usées. Confronté à la panne de la pompe 6 qu'il n'arrive pas à réparer seul, il cherche les personnes qui pourraient avoir les compétences de lui enseigner comment faire. Mais l'entreprise qui a conçu les machines a fermé depuis longtemps, et l'université ne compte plus aucun ingénieur dans sa bibliothèque vide... Et la déliquescence de la société semble également toucher les humains, qui ont le niveau de concentration et de réflexion d'un enfant... Et d'ailleurs, pourquoi n'arrive-il pas à concevoir un enfant avec sa compagne? Cette histoire nous plonge dans une société qui s'est enfoncée dans la facilité, oublieuse de la perpétuation du savoir. Elle pose une vision angoissante et pathétique de notre civilisation...

Ces futurs brisés, comment ne pas y croire? J'ai donc eu beau trouver ces nouvelles magnifiquement écrites, j'ai peiné à finir ce recueil. Ce n'est pas ce que j'ai besoin de lire en ce moment, voire tout court. Dans ma grande naïveté, la lecture reste encore pour moi une échappatoire à la réalité, une fenêtre sur l'ailleurs qui ne serait pas forcément moins sombre, mais davantage porteuse d'espoir. Malgré toute l'intelligence et la plume à l'évidence très engagée de l'auteur, je pense que je passerai mon tour pour ses autres livres. Il nous montre ici avec beaucoup trop d'acuité les erreurs et les travers de nos sociétés actuelles.

samedi 12 décembre 2015

Le crime de Paragon Walk - Anne Perry

crime-de-paragon-walk.jpgLondres, 1884. La luxueuse avenue de Paragon Walk s'éveille en plein drame : une innocente jeune fille de dix-sept ans, Fanny Nash, y a trouvé la mort, violée et étranglée. L'inspecteur Pitt est chargé de l'affaire. Sa tâche s'avère encore plus délicate que d'habitude. Une nouvelle fois confronté à l'aristocratie, il va aussi devoir enquêter chez Lady Emily Ashworth, la soeur de sa chère épouse Charlotte ! Fanny a été agressée alors qu'elle revenait de chez Emily et George, son mari, reste très évasif sur son emploi du temps au moment du crime. Cacherait-il quelque chose ? L'enquête piétine. Bien décidée à percer le mystère, Emily entraîne Charlotte dans les réceptions mondaines. À la quête des petits secrets qui cachent les grandes dépravations, elles démasqueront un coupable complètement inattendu. (Résumé de l'éditeur)

Une panne de lecture, un mois de décembre brouillageux... quoi de mieux donc que le retour à une lecture-doudou? Le 3ème volume des enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt me tendait les bras ! On ne peut pas dire qu'un policier est la lecture réconfort idéale au premier abord, mais retrouver Charlotte et Thomas désormais parents d'une petite Jemima, et une Lady Emily Ashworth enceinte de son premier enfant, cela fait du bien !

Une fois encore, Thomas se retrouve confronté à un meurtre au sein de la bonne société anglaise. Une jeune fille a été retrouvée poignardée et violée, au coeur du quartier très huppé de Paragon Walk, là même où habitent Lady et Lord Ashworth. Innocente, naïve, sans intérêt... Fanny Nash, la jeune victime de 17 ans est ainsi décrite par sa famille et ses voisins... Qui donc aurait pu vouloir sa mort? Interrogeant parents, amis, voisins, domestiques,... Thomas piétine, le mobile restant mystérieux, l'arme du crime et les preuves introuvables. Et comme si cela ne suffisait pas, l'un des frères de la victime, Fulbert Nash, disparaît, après avoir laissé entendre qu'il se passait des choses peu avouables derrière les murs des salons chics...

Comme dans sa précédente enquête à Callander square, l'inspecteur se heurte à l'hostilité de ces membres de la haute société. C'est Charlotte, aidée de sa soeur Emily, qui de salon en réception, dans des robes empruntées, va essayer de trouver les indices qui manquent cruellement à son dégingandé de mari. Et on va en apprendre de belles grâce à elle... Anne Perry continue de défendre la cause féminine. On connaît déjà le tragique des mariages de convenance, mais les interprétations des personnages sur le viol de la jeune fille sont tout simplement glaçantes. L'antisémitisme est également présent. Se marier avec un juif est sans doute une mésalliance pire que celle de Charlotte, épousant Thomas...

Bien qu'on partage peu l'intimité de Charlotte et Thomas, j'ai beaucoup aimé la pudeur avec laquelle l'auteure évoque leur couple, leurs difficultés au quotidien, leur pauvreté... Et dans la même veine, le doute d'Emily dans sa relation avec son mari. L'apparition du personnage de Lady Vespasia, une vieille aristocrate à qui, visiblement, on ne la fait pas, pimente un peu le jeu, et j’espère qu'elle réapparaîtra dans les tomes suivants. Un bon roman encore une fois, et j'ai d'ores et déjà le prochain sous le coude.

samedi 5 décembre 2015

Dans mon terrier #26

dragon_glace.jpgDragon de glace - George R.R. Martin
Dans ce petit conte fantastique, George R.R. Martin ne nous entraîne pas, comme le laisse traîtreusement penser la 4ème de couverture, dans le même univers que le Trône de fer. On y trouve quand même des dragons terrifiants, qui montés par leurs dragonniers, servent à faire la guerre. Mais le dragon de glace de la petite Adara, est une créature de l'hiver, source des superstitions des humains. Et grâce à lui, la fillette de 7 ans, va sauver son monde de la destruction... Une très belle histoire, où l'on retrouve les mots très évocateurs de l'auteur. Les illustrations de Luis Royo sont fines et très détaillées, et participent de cette ambiance féerique et glacée. A la fois poétique et rude, cette quête initiatique peut être lue par les plus jeunes (ce qui n'est pas le cas des autres oeuvres des deux auteurs !).

autodafeurs2.jpegLes Autodafeurs, 2 : Ma soeur est une artiste de guerre - Marine Carteron
La guerre entre les Autodafeurs et la Confrérie se joue désormais au grand jour. Elle a coûté cher à la famille d'Auguste et Césarine, et ils doivent désormais se mettre rapidement à l'abri, ainsi que les archives secrètes de leur famille. Mais Auguste étant toujours aussi tête brûlée, il se jette sans réfléchir dans de nouveaux dangers... Un nouveau volume plus sombre, et plus violent que le précédent. L'étau se resserre autour de nos héros. L'action est donc au rendez-vous, mais aussi la réflexion. L'auteure nous propose une vision du monde très intéressante, autour de la notion de la maîtrise de l'information, et du pouvoir des livres. La vision de Césarine, à contre pied de celle de son frère, est dans sa différence aussi attachante que surprenante. Vite, le 3ème volume !

autodafeurs3.jpgLes Autodafeurs, tome 3 : Nous sommes tous des propagateurs - Marine Carteron
Hop le 3ème et dernier tome n'a pas tardé à tomber entre mes mains ! Le moins que l'on puisse dire, ce que la deuxième partie du roman nous offre un tournant surprenant ! Après tous ces secrets, ces personnalités anciennes qui sont révélées comme ayant fait partie de la Confrérie, le travail de recherche de leurs héritiers,... l'auteure nous offre une explication qui si elle peut sembler farfelue et énorme au premier abord, devient crédible. L'écriture dynamique et très cinématographique immerge le lecteur aussi sûrement que dans un film d'action. Une trilogie riche, pleine de suspens, et qui a l'intelligence d'attirer l'attention des jeunes lecteurs sur des sujets d'actualité où il reste encore beaucoup à faire...

liligoth2.jpgLili Goth, 2 : Une fête d'enfer ! - Chris Riddell
J'avais beaucoup aimé le précédent volume, Lili Goth et la souris fantôme, et même si on retrouve dans ce 2ème tome toute la fantaisie et l'humour de l'auteur, je l'ai trouvé un peu moins bien que le précédent. L'histoire met du temps à se mettre en place, et se précipite sur les dernières pages pour la résolution du mystère. Et erreurs de traduction ou pas, certains chapitres, et même la fin, se terminent de façon abrupte. Cela reste tout de même un régal à lire et à regarder, les illustrations étant toujours aussi sympathiques à décortiquer pour y trouver les détails loufoques, malgré quelques références adultes qui échapperont aux plus jeunes, comme la présence d'un certain cuisinier s’appelant Gordon Ramsgate, avec son dessert Cauchemar en cuisine...

maison_magicien.jpgLa Maison du magicien - Mary Hooper
La Maison du magicien est le premier volume d'une trilogie historique, mettant en scène Lucy, une jeune fille modeste rêvant de trouver une place dans une maison de l'aristocratie, et ainsi de pouvoir échapper à la tyrannie de son père. Plongé dans l'Angleterre du XVIème siècle, dans la seconde partie du règne d'Elizabeth Ière, le lecteur découvre un contexte troublé où des attentats pour placer Mary Stuart sur le trône éclatent. Engagée chez le magicien de la reine, le Dr Dee, Lucy va découvrir un terrible secret. Une histoire simple et bien construite, avec une héroïne naïve mais débrouillarde. Un peu de fantastique intervient sur la fin de l'intrigue, j'ai hâte de voir ce que cela va donner dans les tomes suivants !

incorrigibles_ashton.jpgLes incorrigibles enfants de la famille Ashton, 1 : Une étrange rencontre - Maryrose Wood
Pénélope Lumley obtient un poste de gouvernante au domaine de Lady et Lord Ashton. Mais les enfants dont elle a la charge ne sont pas ordinaires, il s'agit d'enfants trouvés dans la forêt, élevés par les loups et encore à moitié sauvages. Avec bon coeur et sans a priori, elle les apprivoise et leur apprend à bien se comporter en société. Mais le comportement étrange de ses maîtres et des paroles mystérieuses l'inquiètent au plus haut point... Avec beaucoup de fraîcheur, d'optimisme et d'espièglerie, l'auteure nous propose une histoire sympathique et légère. Penelope est une narratrice pleine d'esprit et de bons sentiments, et ses petits protégés sont très attachants, ainsi que leurs aboiements charmants (Lumahouu !). Un début de série réjouissant !

mercredi 25 novembre 2015

Le Grand Livre des gnomes - Terry Pratchett

grand_livre_gnomes.jpgLorsque Masklinn, seul chasseur d'une tribu de gnomes, pénètre dans le grand magasin Arnold Frères, quelle n'est pas sa surprise de découvrir que ses rayonnages abritent des centaines de ses congénères, invisibles au regard des hommes ! Un vent de panique l'accompagne car, pour les résidents, le "dehors" n'existe pas. De plus l'intrus est venu avec le Truc, un objet doué de parole qui prétend connaître l'origine du petit peuple. Pire, il leur révèle que le magasin est sur le point d'être détruit ! Il n'y a dès lors plus qu'une solution : l'exode. Tâche titanesque pour des êtres de dix centimètres de haut, dont Masklinn est devenu le prophète involontaire... (Résumé de l'éditeur)

Petite incursion en dehors des Annales du Disque-Monde avec cette série de trois romans, lus ici sous forme d'intégrale : Les Camionneurs, Les Terrassiers, Les Aéronautes. Si l'humour, marque de fabrique de Terry Pratchett, est ici moins décapant, il est néanmoins présent d'une façon complètement loufoque et décalée, qui risque de perturber ses lecteurs habituels... Il faut dire que rencontrer une tribu de gnomes installés dans un grand magasin, prenant son créateur, Arnold Frères (fond. 1905) pour un dieu, et les affiches des promotions pour des commandements (Prix Sacrifiés, Bonnes Affaires, Fêtons Noël), est plutôt dépaysant. On se retrouve à remettre en question ce qu'ils appellent avec crainte le Dehors, avec sa lumière allumée la nuit, sa moquette qui bouge, et sa nourriture qui n'est plus emballée... On en perd ses repères de pauvre humain !

Le roman est donc foisonnant de quiproquos, contre-sens et autres bêtises à la Pratchett. Comme, par exemple :

Tout le monde sait bien que les femmes ne peuvent pas lire, répondit Gurder. Ce n'est pas de leur faute bien entendu. Il semble que ça leur échauffe le cerveau. L'effort, vous comprenez. C'est comme ça, voilà tout.

La Science explique ce qui se passe tout le temps autour de nous. La religion aussi, mais la science marche mieux, parce qu'elle trouve des excuses plus crédibles quand elle se trompe.

- C'est quoi un globe-trotter ? demanda Masklinn.
- Eh bien, un globe, c'est une boule et trotter, c'est courir au ralenti, répondit Grimma. Donc, c'est quelqu'un qui court au ralenti sur une boule. Un globe-trotter.

L'inventivité de l'auteur ne va pas sans quelques longueurs dans l'histoire. Un monde nouveau, immense, terrifiant et sans plafond, s'offre à ces petits gnomes. Et butés, attachés à leur petit confort, l'expédition visant à partir du Grand Magasin, puis enfin de retrouver leur monde d'origine, n'est pas de tout repos. Certains passages peuvent donc lasser, mais sont en fait vite rattrapés par une situation cocasse qui nous remet sur les rails. Et puis, Pratchett se débrouille toujours pour nous faire réfléchir sur des sujets qu'on aurait pas pensé trouver dans son roman : la religion, le féminisme, l'éducation, ou l'utilité des soldes pour savoir à quelle période de l'année on se trouve.

Un roman à l'humour un peu différent donc, mais qui ne manquera pas de vous charmer si vous vous laissez amadouer par ces gnomes à l'esprit et au vocabulaire tortueux !

vendredi 20 novembre 2015

Les Dépossédés - Ursula Le Guin

depossedes.jpgSur Anarres, les proscrits d'Urras ont édifié, il y a cent soixante-dix ans, une utopie concrète fondée sur la liberté absolue des personnes et la coopération. Ce n'est pas un paradis, car Anarres est un monde pauvre et dur. Mais cela fonctionne. A l'abri d'un isolationnisme impitoyable qui menace maintenant la société anarchiste d'Anarres de sclérose. Pour le physicien anarresti Shevek, la question est simple et terrible. Parviendra-t-il, en se rendant d'Anarres sur Urras, à renverser le mur symbolique qui isole Anarres du reste du monde ? Pourra-t-il faire partager aux habitants d'Urras la promesse dont il est porteur, celle de la liberté vraie ? Que découvrira-t-il enfin sur ce monde d'où sont venus ses ancêtres et que la tradition anarrestie décrit comme un enfer ? (Résumé de l'éditeur)

Je poursuis mon exploration du cycle de l'Ekumen d'Ursula Le Guin avec ce gros roman, encore une fois multi-primé. Et si Les Dépossédés a été écrit après La main gauche de la nuit, bizarrement, il se déroule avant (l'ansible, permettant de communiquer instantanément, n'a pas encore été inventé, ou est en bonne voie...). Ce roman peut se lire tout à fait indépendamment des autres romans du cycle, mais à condition de bien s'accrocher. Je ne peux même pas imaginer ne serait-ce qu'effleurer tout ce que l'auteure dit avec une intelligence et une logique extraordinaire, dans cette seule chronique. Il vous faudra donc le lire, vous êtes prévenus.

Ursula Le Guin nous emmène à la découverte de deux planètes jumelles, Anarres et Urras. Urras, planète qui ressemble à la Terre, est riche en ressources naturelles et régie par un gouvernement capitaliste qui confine à la tyrannie. A l'opposé, Anarres, planète quasiment stérile, a été colonisée par des insurgés d'Urras, voulant construire une société fondée sur la liberté, poussée aux limites de l'anarchie. Shevek, physicien et premier anarresti à retourner sur Urras depuis la colonisation, sur le point de mettre au jour une théorie physique sur le Temps qui révolutionnerai le voyage spatial, cristallise grâce à son personnage les problématiques de chaque société.

Quoi de mieux qu'une construction en chapitres alternés pour opposer ces deux systèmes de pensée? Si on est d'abord perdus, les premiers chapitres tournés, la cohérence, ou au moins, la lumière, sur la vie si particulière de Shevek sur Anarres se fait. Et cela devient passionnant. On sent bien sûr une critique à peine voilée de notre société capitaliste, mais sans tomber dans le manichéisme. Car le systéme anarchique d'Urras n'est pas tout rose, dans son rejet de tout individualisme et de l'Autre, poussé à son extrême, même si cela semble effectivement convenir à ses habitants.

Il m'est difficile d'en dire plus, tant le contenu est riche, voire parfois trop quand on touche aux discours sur la physique. Mais il y aurait beaucoup à dire sur l'image du couple et de l'éducation des enfants, la répartition du travail sans réelle formation, ou encore les particularités de langage des anarrestis. Notre attachement au personnage de Shevek, profondément humaniste nous ancre dans le récit et nous fait d'autant plus réfléchir sur les idées que discute l'auteure dans cette histoire. Elle nous offre encore une fois un beau voyage, une utopie pleine d'ambivalence et d'ambiguité. Ce roman est complexe certes, mais son ambiance douce-amère, ses personnages attachants, en font un livre à lire, même pour des non lecteurs de SF.

dimanche 15 novembre 2015

La passe-miroir, 2 : Les disparus du Clairdelune - Christelle Dabos

passe-miroir-2.jpgFraîchement promue vice-conteuse, Ophélie découvre à ses dépens les haines et les complots qui couvent sous les plafonds dorés de la Citacielle. Dans cette situation toujours plus périlleuse, peut-elle seulement compter sur Thorn, son énigmatique fiancé ? Et que signifient les mystérieuses disparitions de personnalités influentes à la cour ? Sont-elles liées aux secrets qui entourent l’esprit de famille Farouk et son Livre ? Ophélie se retrouve impliquée malgré elle dans une enquête qui l’entraînera au-delà des illusions du Pôle, au cœur d’une redoutable vérité. (Résumé de l'éditeur)

Je l'attendais avec impatience, et il est enfin arrivé ce deuxième tome de la Passe-miroir ! J'avais adoré découvrir l'écriture très soignée et descriptive de Christelle Dabos dans son premier roman, et j'en garde des souvenirs d'un imaginaire merveilleux et complexe. Malgré ma lecture un peu lointaine des Fiancés de l'hiver, j'ai abordé ma lecture avec beaucoup de plaisir (et sans trop de trous de mémoire), qui ne s'est pas démenti tout au long de ces longues et addictives 560 pages. Et maintenant, le spectre du troisième tome me hante, et la longue attente pour l'avoir entre les mains me désespère ! (et cette série devrait compter 4 tomes selon l'auteure...)

Nous retrouvons donc Ophélie, empêtrée jusqu'au cou dans les ennuis. Elle semble les attirer comme un aimant dans ce monde de faux-semblants. On entre dans le coeur de l'action dés les premières pages, puisqu'Ophélie se retrouve propulsée au poste de vice-conteuse, puis liée à l'enquête autour des mystérieuses disparitions au Clairdelune. On va de surprise en révélation, de piège en manipulation. Considérée par tous comme une rivale, avec son fiancé plus haï que jamais, et Farouk qui semble lui porter un intêret trop prononcé pour sa propre sécurité... Ophélie est bien souvent en danger. L'imprévisibilité est au rendez-vous en tout cas ! L'intrigue se densifie et ouvre de nouvelles portes, sur d'autres arches notamment. Ophélie prend davantage d'assurance dans ce second tome, et cela s'en ressent dans sa relation avec les autres personnages. Avec Thorn en particulier, qui voit sa personnalité d'iceberg fondre un petit peu.... Je n'en dirai pas plus sur ce sujet, mais nous ne sommes pas au bout de nos peines !

J'avais émis quelques bémols après ma lecture du premier tome. Si l'auteure semble avoir trouvé son style, quelques longueurs sont toujours présentes. Rien de bien méchant, puisqu'elles permettent de retarder l'inévitable, à savoir la fin du livre. Mais la trame de l'histoire s'en trouve ici un brin ralentie parfois, comme pour la visite au Pôle de la famille d'Ophélie, qui joue un rôle bien secondaire. On se rend compte qu'en fait l'auteure élargit la trame de son histoire, ouvrant notamment le débat sur l'identité des Esprits de famille et de Dieu avec beaucoup de force. La famille, la filiation, l'héritage, sont également des sujets abordés du côté sombre...

Christelle Dabos nous émerveille avec son univers très personnel. Elle le fait vivre avec beaucoup de charme et de magie, notamment grâce à cette ambiance Belle Epoque qui colle parfaitement à la flamboyance de la Citacielle. Les personnages sont toujours aussi attachants, ou effrayants (mention spéciale à Farouk et au Chevalier !), ce qui explique qu'on s'émeuve ou qu'on frissonne tour à tour. Ce roman est une nouvelle réussite, qui m'a définitivement conquise !

mercredi 11 novembre 2015

A pattes et à bulles #4

bilanBD4.jpg

Le jardin de minuit - Edith
Une bande dessinée fantastique adaptée d'un roman jeunesse de 1958. Alors que Tom passe ses vacances chez son oncle et sa tante, il découvre le secret d'une mystérieuse horloge qui sonne des heures qui n'existent pas. Il accède alors à un immense jardin, où il semble invisible pour tout le monde, sauf la jeune Hatty, vêtue d'une tenue du siècle dernier. Toutes les nuits, Tom retourne dans le jardin, et Hatty change... Une très jolie histoire sur l'enfance, entre rêve et réalité.

Baldwin le brave et autres contes - David Petersen
Dans le même univers que les Légendes de la garde, que j'aime énormément, David Petersen nous offre ces petites histoires, qui se racontent aux souriceaux. Les illustrations sont splendides, encore plus belles si possible que les volumes précédents. Toutes en détails délicats et poétiques, elles servent magnifiquement ces petites histoires de bravoure et d'intelligence. Le seul problème, c'est trop court (et assez cher aussi, il faut le dire...).

Le Château des Etoiles, 1 : 1869, La conquête de l'espace - Alex Alice
Ce début d'aventure qui tient autant du Jules Verne que du steampunk, est vraiment très chouette. Dans la course à la conquête de l'espace, le jeune Séraphin a perdu sa mère, une scientifique qui voulait découvrir les secrets de l'éther... Le premier voyage dans l'espace est une source de tensions, car cette découverte peut également devenir une arme... Complots, montgolfières et vaisseaux des airs,... cette bande dessinée aux illustrations proches de l'aquarelle est très élaborée et soignée, je lirai la suite avec plaisir !

Daytripper : au jour le jour - Gabriel Ba
A 32 ans, Brás travaille à la rubrique nécrologie d'un journal de São Paulo. Peu épanoui par son travail, n'arrivant pas à se réaliser comme écrivain, Brás rumine sa vie. Mais en 10 chapitres, ce sont à ses différentes morts que nous allons assister. Ou quand, et comment on réalise que sa vie commence... Une narration aussi géniale que percutante, pour une bande dessinée où la mort, si elle est inéluctable, n'est pas forcément une fatalité. C'est bouleversant.

Silver Spoon, la cuillère d'argent, tomes 8 et 9
Je poursuis ma lecture de cette série avec grand plaisir ! Yugo, Aki et les autres sont toujours aussi sympathiques à suivre. L'accent dans ces deux tomes est surtout mis sur les côtés difficiles de la vie d'une exploitation agricole, et en particulier l'endettement et les faillites. Tous les élèves y pensent, et leur avenir tout tracé les questionne souvent. En plus du côté très instructif de ces mangas sur les différents travaux agricoles, le côté humain est primordial, et souvent touchant.

Bride Stories, 7 - Kaoru Mori
Kaoru Mori laisse de côté son intrigue principale avec Amir et Karluk pour revenir aux sources de sa série. Mais l'héroïne de cette nouvelle histoire de mariage est tellement touchante, qu'on n'est pas déçus ! Les dessins de l'auteure sont toujours aussi beaux, plus fins cependant, et ils s'attardent ici sur la nudité, de nombreuses scènes ayant lieu au hammam. Beaucoup de douceur pour illustrer une coutume assez intrigante... Une très belle histoire !

samedi 7 novembre 2015

Hamlet au paradis - Jo Walton

hamlet_paradis.jpgLondres. 1949. Viola Lark a coupé les ponts avec sa noble famille pour faire carrière dans le théâtre. Quand on lui propose de jouer le rôle-titre dans un Hamlet modernisé où les genres ont été chamboulés, elle n'hésite pas une seconde. Mais l'euphorie est de courte durée, car une des actrices de la troupe vient de mourir dans l'explosion de sa maison de banlieue. Chargé de l'affaire, l'inspecteur Carmichael de Scotland Yard découvre vite que cette explosion n'est pas due à une des nombreuses bombes défectueuses du Blitz. Dans le même temps, Viola va cruellement s'apercevoir qu'elle ne peut échapper ni à la politique ni à sa famille dans une Angleterre qui embrasse la botte allemande et rampe lentement vers un fascisme de plus en plus assumé. (Résumé de l'éditeur)

J'ai adoré le Cercle de Farthing, précédent roman de Jo Walton, et premier volume de la trilogie du Subtil changement. Alors que d'habitude, j'attend sagement que ma bibliothèque achète les romans que je convoite, j'ai préféré aller l'acheter directement chez mon libraire pour l'avoir plus vite entre les mains. Il faut dire que j'étais pressée de retrouver cet univers concocté par l'auteur, qui mêle habilement policier et uchronie. Et si j'ai d'abord été déçue de ne retrouver Daniel et Lucy Kahn, les précédents protagonistes, qu'au détour de quelques phrases, on est rapidement pris dans l'intrigue. Cette dernière est menée de front comme précédemment, à la fois par l'inspecteur Carmichael, que l'on connaît déjà, et par Viola Lark, une actrice de de théâtre.

Quelques semaines après les événements du premier tome, nous retrouvons la situation politique en Angleterre, qui fait partie intégrante de l'intrigue. Et c'est tout l’intérêt du livre, car on pourrait se lasser de la construction similaire au précédent volume. Et pourtant, Jo Walton nous captive dés les premières pages. On retrouve l'inspecteur Carmichael avec grand plaisir, d'autant plus qu'il gagne en épaisseur. On en apprend plus sur son passé, et ses motivations dans son métier : c'est un homme qui aime ce qu'il fait, mais qui doit cacher ce qu'il est réellement au monde... Par opposition à Carmichael, le personnage de Viola Lark paraît plus superficiel. Vivant pour le théâtre, elle est complètement déconnectée des réalités du monde qui l'entoure. S'il est difficile de s'attacher à elle, son personnage est vraiment crédible, et ses points de vue à l'opposé de l'inspecteur nuancent le récit.

Dans cette nouvelle enquête, le côté "mystère à résoudre à tout prix" est moins prégnant, puisque le lecteur a déjà pratiquement tous les éléments à sa disposition au cours de sa lecture. C'est davantage une course contre la montre, dont le dénouement nous échappe encore. La plume toujours aussi efficace et vive de l'auteure nous tient en haleine tout au long du roman, malgré quelques dialogues parfois un peu longs. Mais je la pardonne facilement face à l'ampleur que prend son univers en parallèle. Alors que l'Angleterre glisse lentement sur le même chemin que l'Allemagne, accueillant même Hitler pour une visite diplomatique à Londres (et que Viola trouvera très sympathique...), les conséquences sont nombreuses pour les anglais. Les juifs, les opposants politiques, les homosexuels,... sont les premiers touchés par cette nouvelle politique, mais l'ambiance malsaine qui s'installe touche toutes les classes de population. La délation, les manipulations, les arrestations dans l’intérêt de la sécurité nationale,... L'auteure brosse le portrait d'une société qui trouve des échos effrayants à la notre.

Ce second tome ne me déçoit en aucun cas. J'espérais que l'univers construit par Jo Walton se complexifie, et elle nous offre une situation toute en nuances. Elle évite le manichéisme, chose pas facile quand on a affaire au personnage d'Hitler, nous faisant réagir par de multiples points de vue aux conséquences des actes des personnages. Même si je me suis moins identifiée à ces derniers, Viola en particulier, la plume percutante de l'auteure nous plonge dans le récit, plus sombre, plus violent, que le précédent... Vivement la suite !

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